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Faire des enfants demain

​Jacques Testart est directeur de recherche honoraire à l’Inserm. Pionnier des méthodes de procréation assistée, il est l’auteur de nombreux ouvrages dans lesquels il défend l’analyse critique de la science afin de justifier l’engagement éthique et de nourrir la démocratie.

Trente-cinq ans après le premier « bébé-éprouvette », près de 3 % des enfants sont conçus avec l’aide de la biomédecine dans les pays industrialisés. Qu’en sera-t-il dans les décennies à venir ?

S’il ne s’agit, selon la loi actuelle, que d’aider les couples stériles, l’assistance médicale à la procréation a désormais atteint ses buts avec l’optimisation des actes biologiques et médicaux. Mais la technique, sous couvert de médecine de pointe, cherche toujours à agrandir son territoire et à régenter nos vies, même lorsque la nécessité ne s’impose pas… Aussi, puisqu’aujourd’hui la régulation bioéthique fait l’objet d’une permissivité croissante, la question se pose de savoir jusqu’où ira la médicalisation de la procréation, et comment la société pourra en maîtriser les dérives sociétales et eugéniques.

Devrons-nous aller jusqu’à compter sur la décroissance économique pour, mieux que les lois de bioéthique, imposer des limites à la démesure technoscientifique ?

Fin du sexe, avenir de la procréation. Demain, les enfants seront conçus au laboratoire et le sexe sera réservé au plaisir.

« Je rencontre, depuis trente ans, deux types de réaction quand j’expose cette perspective révolutionnaire et dramatique. D’abord celle des « bioconservateurs » selon la terminologie transhumaniste, horrifiés par la fabrication des enfants comme des objets de commerce. Puis celle de personnes de plus en plus nombreuses, et de plus en plus jeunes, qui osent lancer « Et alors ?…Où est le problème ?… ». Tentons quelques réponses. L’humaniste voit dans la sélection humaine la réification de l’enfant et une incitation pour stigmatiser les handicapés, ou seulement les déviants, c’est à dire un fort recul de nos valeurs. Il craint aussi l’instauration future de politiques autoritaires au nom du « bien collectif ». Encore nous situons nous ici dans la perspective traditionnelle de la conception par un homme et une femme et pas dans celles, possibles, de la conception homosexuelle voire autonome. Quant au biologiste, il imagine la désillusion possible dans les familles si l’enfant, sélectionné sur des bases statistiques, vient créer la surprise par son identité individuelle. Mais, surtout, il s’inquiète de la perte de diversité génétique si, comme c’est vraisemblable, les critères de sélection (hors cosmétiques) deviennent les mêmes partout, évoluant en tout lieu grâce aux corrélations croissantes issues du croisement informatique des données génomiques avec les caractéristiques de personnes existantes. Il ne faudrait pas plus de quelques générations, en recourant de façon quasi généralisée au tri embryonnaire, pour changer le génome de notre espèce, et ceci sans avoir modifié un seul génome! Aussi, en ces temps incertains de modifications drastiques de l’environnement, il serait sage d’assurer notre pérennité en conservant une biodiversité capable de résister à des fléaux inconnus (conditions climatiques, alimentation, parasites, épidémies,…). Bien sûr, cette précaution est superflue pour les transhumanistes qui souhaitent changer notre espèce. H Greely reconnaît cet effet de l’ « easy PGD » (DPI facile) mais il ne s’en inquiète pas. Il ne propose de législation que pour des actes délictueux (vol de cellules sur une tasse pour faire fabriquer le bébé d’une star…). Il pense qu’il serait dangereux pour un gouvernement de distinguer entre vies supportables ou non selon la sévérité estimée des atteintes de l’enfant à venir, et qu’il faut donc laisser les couples choisir. Mais il ajoute que la coercition n’est pas toujours mauvaise et évoque alors une taxation… Bref, une éthique à l’américaine ! Avouons qu’au point avancé où nous en sommes il serait naïf d’imaginer faire mieux. »


France culture : Assiste-t-on à une révolution dans la procréation ? 19.03.2014

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Jacques Testart : Ça fait bientôt trente ans que j’essaie de me battre contre certaines dérives.Ce que je crains, c’est que la procréation assistée devienne une sorte de fabrique des enfants, y compris pour des gens qui n’ont pas besoin d’assistance médicale. En fabriquant l’enfant, la bio-médecine prend une responsabilité et ferait en sorte que l’enfant soit de meilleure qualité que l’enfant qu’on pourrait concevoir au hasard. Ce que je crains le plus, c’est le tri des embryons, qui se développe un peu dans tous les pays et qui risque de prendre une ampleur que personne n’imagine aujourd’hui.

Est en train de se mettre en place tout un système de sécurisation de la procréation, de fabrication, qui est assez navrant. Il y a quelque chose qui se met en place, comme s’il était normal de faire un bébé dans un laboratoire plutôt que dans un lit. On est devant une nouvelle considération de ce qu’est la procréation.


Jacques Testart : « J’ai des craintes de dérives eugéniques ».

Emmanuel Faux reçoit Jacques Testart, directeur de recherche honoraire à l’Inserm, auteur de Faire des enfants demain.

Dans cette vidéo, Jacques Testart nous livre ses impressions sur le devenir de la procréation médicalement assistée.

Jacques Testart : Tous les enfants conçus par PMA dans un siècle ?


Depuis le 1er janvier 2012, suite à la réorganisation des instances intergouvernementales au Conseil de l’Europe, le Comité de Bioéthique (DH-BIO) mène les travaux qui sont assignés au Comité directeur pour la bioéthique (CDBI) par la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine. Cette réorganisation a également pour but de créer un lien plus étroit entre le DH-BIO et le Comité directeur pour les Droits de l’Homme (CDDH).

Rapports abrégés

DH-BIO abr RAP 1 F, DH-BIO abr RAP 2 F, DH-BIO abr RAP 3 F, DH-BIO abr RAP 4 F, DH-BIO abr RAP 5 F, DH-BIO abr RAP 6 F, DH-BIO abr RAP 7 F, DH-BIO abr RAP 8 F, DH-BIO abr RAP 9 F, DH-BIO abr RAP 10 F

3 Comments »

  1. Ma réponse à Jacques Testart :

    Premièrement.

    Affirmer que la modification génétique « récréative », et que le fait d’être en mesure de choisir les traits physiologique de sa progéniture – par manipulation embryonnaire – entraineront la société dans un monde eugénique est un aphorisme, au mieux, un sophisme d’un point de vue anthropologique. Pire que cela, il s’agit d’un théorème L’être humain est avant tout deux choses : Un animal, et surtout un animal dont l’indentification personnel – ainsi que celle des autres – est fondé quasi-exclusivement sur l’apparence physique. Vous avez besoin d’être physiquement diffèrent de votre voisin pour vous identifier a vous-mêmes. Votre apparence, bien plus qu’autre chose, vous sert de repère. Nié cela, c’est renié la psychologie, la neuroscience et l’ensemble des faits au profit d’hypothèses sous apparences de théorèmes, aux bases et raisonnements axiomatiques, et dont les bases de ceux-ci sont effectuer sous fondements aphoristiques et sophistiques et présentés comme « inéluctable » par M. Testart.

    Psychologiquement, personne ne serait en mesure de vivre dans un monde parfaitement uniforme physiologiquement, et ou seul un « modèle » morphologique existerait. Seulement d’un point de vue reproductif et strictement sexuel, ce ne serait absolument pas stimulant pour l’être humain de n’avoir qu’un seul modèle physique. Cela nous emmène d’ailleurs sur un point intéressant de ce développement : Personne n’a exactement les mêmes critères physiques de beauté, certains préférant par exemple les brunes, les blondes ou encore les rousses, ect… De ce fait, la société ne pourra jamais être parfaitement uniforme. Du moins, par physiologiquement.

    L’Utilisation d’« eugénisme » est également abusive. L’Eugénisme sous-tend une discrimination intrinsèque. Or, notre société actuelle fait un culte de plus en plus grand de la différence – et l’humanité pareillement, si nous faisons abstraction du bref épisode particulièrement fâcheux du Christianisme en Europe. Socialement, la différence est même adulée (Tout du moins, largement majoritairement dans les milieux éduqués) aujourd’hui. Pour prendre un exemple souvent cité, il n’y aurait aucune discrimination fondée sur la génétique, puisque celle-ci est déjà abordable et pécuniairement accessible à tous (L’argument selon lequel qu’il faut interdire celle-ci au nom de la « démocratie » ne tient donc déjà plus la route…). Nous ne sommes plus en 1984, ou le gouvernement américain avait payé environ 7 milliards de dollars pour le séquençage complet d’un génome (Un prix extrêmement prohibitif). Dix ans plus tard, ce montant n’était « que » de 700 000 dollars pour la même opération, et 7000 dollars en 2000. Aujourd’hui, grâce à la méthode CRISPR-Cas9, le cout d’un séquençage complet de l’ADN ne s’élève qu’à un maigre 70 dollars (95 Euro) : Un montant accessible à tous, non ? Et avec toutes les implications et modifications possibles que l’ADN peut apporter, pour un si petit montant universellement accessible. Il n’y a donc théoriquement rien d’autre que des jugements moraux aux penchants fondamentalistes et dualistes pour s’y opposer rationnellement. Tout du moins, quand celle-ci sera complètement au point (Ce qui n’est, dans le pire des cas, qu’une question d’une ou deux décennies).

    Les apports de la technologie dans les domaines neuroscientifiques et génétiques sont généralement largement supérieur aux conséquences. Au vu de la psychologie humaines, de la société actuel où la différence est de plus en plus encouragée entre individus, et vu l’ouverture d’esprit de plus en plus grande du monde occidental (Qui fut toujours très ouvert sur la différence, avant l’effroyable époque de l’obscurantisme Judeo-Chretien), je considère comme fort improbable – voire impossible – de tels dérives dans un futur proche. L’homme recherche les différences, et c’est elle qui l’attire psychologiquement. L’histoire démontre que même dans les époques les plus sombres, la différence fut toujours rechercher d’une façon, ou d’une autre Sauf exceptions rarissimes et éphémères dans l’Histoire. L’homme se modifiera également instinctivement de lui-même, et cela deviendra une banalité : Il s’agira du futur de la « Chirurgie esthétique » qui ne deviendra qu’une simple histoire de pommade – voir de simple piqures – qui modifieront sans douleurs et au bout de quelques jours/semaines l’ADN tel que voulu.

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