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The Ghost in the Shell

Qu’est-ce qui définit l’âme humaine ? À l’échelle scientifique, l’âme existe-t-elle ? Quel est son rapport à la machine, aux prothèses qui nous font glisser progressivement dans le transhumanisme ? Où s’établissent les frontières entre l’humain et la machine ? Des œuvres de science-fiction comme Ghost in the Shell tentent d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions.

Le manga de Masamune Shirow, Ghost in the Shell (titre original : Kōkaku kidōtai), ouvre la porte d’une réflexion sur l’âme humaine, dans un contexte cybernétique avancé.

Cette question a toutefois été abordée bien avant cette œuvre nippone par les auteurs d’une certaine science-fiction occidentale dystopique, et d’une certaine manière par les religieux… sans qu’ils en aient toujours conscience.

Car la persistance de l’âme ne serait-elle pas l’une des clés du mystère de la vie ?

Entre création divine et procédé chimique

Pour les croyants, l’âme est indéfinissable et pourtant bien cernée. Elle est cette part du divin présente en chaque être. Elle est ce qui différencie l’homme de l’animal, l’élève sur un plan supérieur et lui donne accès au paradis, quelle que soit sa forme et dès lors que l’individu a obéi aux commandements de sa religion. Il ne saurait donc être question de l’associer à des corps synthétiques qui n’auraient, par nature, pas été touchés par Dieu. Car cette âme serait alors aussi concrète que le sont des buissons ardents et l’être omniprésent, omnipotent et omniscient qui en est le créateur.

L’homme de science adopte une posture plus sceptique, sans avoir de réponse précise à fournir pour désigner l’âme. Les émotions (et plus généralement tout ce qui est invariablement attaché à l’esprit d’un être humain équilibré) relèvent d’une réaction chimique, et l’âme serait l’expression d’interactions entre courants électriques et biologiques. Moins romantique que l’explication confessionnelle, elle a néanmoins le mérite de tenter d’éclaircir le mystère de la vie.

Corps et âme

En s’attachant davantage à l’explication et l’étude scientifique, le rapport entre humain et machine peut réellement être discuté. En effet, si ce que les hommes de foi nomment « âme » n’est que le résultat de réactions biochimiques à l’intérieur du cerveau, il est parfaitement sensé de se projeter dans un futur plus ou moins proche et d’y envisager une relation possible entre les 2, tangible et intangible en interaction.

Certaines avancées récentes démontrent d’ores et déjà la capacité du cerveau à interagir avec des appendices synthétiques, mais c’est du côté de la science-fiction que l’on doit se tourner pour tenter d’apercevoir cette limite lointaine et pourtant terrifiante. Cette barrière au-delà de laquelle un être humain deviendrait une machine. Ou une machine pourrait embrasser la nature d’être humain.

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Dans l’œuvre de Shirow, la partie pensante (que l’auteur ne craint pas de considérer comme « l’âme ») est nommée le Ghost. Cet ensemble, issu d’éléments d’origine organique, est associé au Shell, le corps cybernétique. L’héroïne engendrée par ce processus, Motoko Kusanagi, montre finalement les signes d’une psyché humaine en remettant en cause son existence, ses pensées et la nature de son être, en s’interrogeant sur son Ghost. Cette quête l’amène à s’éloigner de ses congénères cybernétiques, sans pour autant rejoindre les rangs de l’humanité. La question peut donc être posée : est-elle humaine ? Est-elle machine ?

Cette œuvre culte est aussi essentielle pour l’étude des liens entre humanité et cybernétique que le «Cycle des robots» d’Isaac Asimov l’est pour l’anticipation robotique, nageant justement dans des eaux troubles jamais réellement complètement claires. Elle tendrait plutôt à constituer une zone frontière qui nie l’obligation d’un antagonisme entre l’organisme synthétique et le vivant. Ni machine ni humain, Kusanagi serait plutôt un être à mi-chemin entre les 2. Un transhumanisme se détachant des 2 extrêmes, préfigurant l’émergence d’une nouvelle espèce.

Le besoin de nommer

En occident, le thème se veut souvent plus manichéen. Il faut clarifier. Le jeu de rôle Cyberpunk 2020, tiré des romans de William Gibson, intègre la cybernétique conformément à l’univers cyberpunk d’origine. Mais l’abus de ces technologies déshumanise proportionnellement le greffé. Un humain trop amélioré par les prothèses cybernétiques risque de sombrer dans un état dit de « cyberpsychose », dans lequel il ne contrôle plus ses actions.

La folie guette en permanence un tel individu, car le postulat est celui de l’incompatibilité fondamentale : l’esprit peut accepter la présence de membres et d’implants synthétiques, mais il possède ses limites. Le dépassement provoque la rupture de la psyché. Dans ce contexte, la question a d’autant plus d’impact que la nature des 2 ne semble pas être conciliable comme dans la culture littéraire japonaise. Humain ou machine, le choix est imposé. Et la frontière séparant les 2 états avec lui. Il est donc par nature impossible pour un humain de devenir machine, puisqu’il perdra sa stabilité existentielle et mentale bien avant de franchir le pas.

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Le jeu vidéo Deus Ex (et notamment sa dernière itération Human Revolution) s’aventure pourtant sur ce terrain de façon plus subtile, précipitant le joueur dans un monde où l’humanité a déjà un pied dans l’abîme. Outre la dimension sociale de l’univers cyberpunk décrit, les créateurs présentent une humanité améliorée qui – en tant que civilisation – est sur le point de donner lieu à une nouvelle espèce, une humanité 2.0 dans laquelle l’être humain non-amélioré ne serait qu’une forme de vie sur le déclin, de moindre importance. La transformation en machine, sur la base de vie organique, apparaît alors comme un spectre permanent, un chant des sirènes envoûtant. Les âmes humaines deviendraient alors une sorte de Ghost, comme dans l’œuvre de Shirow.

L’ultime frontière

De 2 façons différentes, qu’elle relève du postulat de Deus Ex Human revolution ou de Ghost in the Shell, le moment où l’humanité d’un être cède la place à la machine semble lié à plusieurs facteurs. La capacité à s’interroger, à douter, à croire, à ressentir. Tant que ces pensées, invariablement liées à l’âme humaine, seraient présentes dans un corps, et ce quel que soit ce corps, l’humanité serait préservée dans celui-ci.

Selon cette définition, toutefois, si un programme venait à démontrer les mêmes qualités, deviendrait-il humain ? Serait-il dès lors doté d’une âme ? La question est d’autant plus dérangeante que si l’humain désire garder son authenticité dans une machine, il lui est beaucoup plus difficile d’envisager l’inverse. Conserver le statut d’humain est nettement plus acceptable que de le voir émerger ab nihilo : de nombreuses œuvres témoignent de la crainte inspirée par cette idée.

Finalement, l’ultime frontière dont le capitaine Kirk nous parlait n’était probablement pas dans les étoiles, mais bien sur Terre, dans nos progrès : celle qui, nous amenant vers la machine après avoir transité par un état mitoyen, serait capable de modifier une humanité luttant contre sa propre inertie.

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