Le Sénat plaide pour une expérimentation de la reconnaissance faciale
Le Sénat cherche à se protéger de la surveillance biométrique – avec un système de « sandbox » pour la surveillance biométrique.
La Commission des lois du Sénat a publié un rapport contradictoire sur la biométrie, qui vise à la fois à garantir que la France ne devienne pas un pays de surveillance biométrique de masse et à recommander la mise en place d’un sandbox réglementaire de trois ans pour tester les systèmes biométriques de surveillance de masse. Une période qui engloberait les Jeux olympiques d’été de Paris 2024.
Adopté à l’unanimité par la Commission des lois du Sénat avant sa publication, rapporte Public Sénat, le « rapport d’information » a été conduit tout au long de sa mission de rédaction de huit mois par trois sénateurs membres de la Commission.
Le rapport de « La reconnaissance biométrique dans l’espace public : 30 propositions pour écarter le risque d’une société de surveillance », semble d’emblée contradictoire :
« En octobre 2020, la commission des lois du Sénat a créé en son sein une mission d’information sur la reconnaissance faciale, une technologie qui se développe rapidement grâce aux algorithmes d’apprentissage et polarise l’opinion publique entre les tenants d’un moratoire portant sur toutes les technologies biométriques, qui seraient par nature attentatoires aux libertés, et ceux qui mettent en exergue leurs importants bénéfices potentiels.
À l’heure où une législation sur l’intelligence artificielle est en cours d’élaboration au niveau européen, il est indispensable de construire une réponse collective à l’utilisation des technologies de reconnaissance biométrique afin de ne pas être, dans les années à venir, dépassés par les développements industriels. »
La proposition 1 prépare le terrain pour consulter les citoyens français afin de trouver les moyens de les persuader d’accepter davantage de surveillance biométrique :
« Réaliser une enquête nationale visant à évaluer la perception de la reconnaissance biométrique par les Français, à cerner les cas d’usages auxquels ils se montrent plus ou moins favorables et à identifier les ressorts d’une meilleure acceptabilité de cette technologie. »
Les propositions 2 à 6 sont les « lignes rouges » permettant de supprimer le risque de devenir une société de surveillance.
Pourtant, il existe des exceptions à presque toutes les interdictions de surveillance biométrique proposées : pas de catégorisation en fonction de l’origine ethnique, du sexe ou de l’orientation sexuelle – sauf pour la recherche scientifique ; pas d’analyse des émotions – sauf pour la recherche scientifique ; pas de reconnaissance faciale en direct dans les espaces publics – sauf pour les services de police dans certains cas.
Puis, à la proposition 7, les choses se gâtent :
« Fixer dans une loi d’expérimentation, pour une période de trois ans, les conditions dans lesquelles et les finalités pour lesquelles la reconnaissance biométrique pourra faire l’objet de nouvelles expérimentations par les acteurs publics ou dans les espaces ouverts au public et prévoir la remise de rapports annuels détaillés au Parlement sur son application, dont le dernier au plus tard six mois avant la fin de la période d’expérimentation. »
La proposition 8 exigerait l’évaluation régulière d’un comité scientifique et éthique unique et indépendant avant le souhait de la proposition 9 d’éduquer ensuite les Français sur les avantages et les risques de trois ans de surveillance. Par la proposition 11, les sénateurs suggèrent que les acteurs privés puissent soumettre leurs technologies de surveillance biométrique des lieux publics à l’autorisation de la CNIL, le régulateur de la confidentialité des données.
La liste se poursuit vers la société de surveillance toujours plus grande que le rapport cherche ostensiblement à éviter. Proposition 16 : « Créer, à titre expérimental, un cadre juridique permettant l’usage de technologies d’authentification biométrique pour sécuriser l’accès à certains évènements et fluidifier les flux, sur la base du consentement des personnes. »
Le rapport reconnaît que l’utilisation de la reconnaissance biométrique pour contrôler l’accès à certains lieux sans alternative non biométrique serait terrible, mais la proposition 17 prévoit une exception exactement pour cette situation « à titre expérimental ». Afin de garantir la sécurité, la proposition 22 prévoit le contrôle biométrique en temps réel des rues pour sécuriser les événements et les sites sensibles.
Ajoutant dans le contexte européen, les propositions soutiennent la création d’une autorité européenne chargée d’évaluer la fiabilité des algorithmes de reconnaissance biométrique et de certifier l’absence de biais. Pour aller plus loin, elles prévoient également de « mettre à disposition de l’autorité en charge de l’intelligence artificielle une base d’images à l’échelle de l’Union européenne afin de lui donner les moyens de son action ».
« Alimenter cette base à travers plusieurs mécanismes s’inspirant de la proposition de règlement de l’Union européenne sur la gouvernance européenne des données. Mettre en place des mécanismes adaptés d’information des citoyens et prévoir la possibilité de demander à tout moment le retrait de ses données de la base. »
Le rapport comprend des garde-fous tels que la lutte contre les biais dans l’IA et le renforcement des pouvoirs réglementaires de la CNIL. Cependant, les propositions d’une période d’expérimentation de trois ans et la mention explicite des Jeux olympiques de 2024 comme un événement nécessitant une protection, révèlent la position de la Commission des lois de la Chambre haute du gouvernement français.
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