Comment l’automatisation et l’IA bouleversent l’emploi
La conférence annuelle Emtech Next portait sur la façon dont l’automatisation et l’IA bouleversent l’emploi
L’un des points saillants de l’événement a été le débat d’Oxford sur la question : devrions nous taxer les robots ? Nous taxons lourdement les travailleurs humains, alors pourquoi pas les machines qui les remplacent ? Ensuite, il y a la théorie selon laquelle l’argent des impôts pourrait aider à fournir une formation ou des avantages sociaux aux travailleurs qui ont perdu leur emploi à cause de l’automatisation.
Ryan Abbott, professeur de droit à l’Université de Surrey, a présenté des arguments convaincants en faveur d’une telle taxe (pdf), ou plus précisément de la suppression des incitations fiscales favorisant l’automatisation par rapport au travail humain. Selon Abbott, de nombreuses décisions commerciales d’automatisation des processus sont motivées par ces avantages fiscaux, et non par le fait de la productivité accrue des robots. Si l’automatisation est vraiment plus efficace, a suggéré Abbott, laissez les entreprises décider de l’utiliser – sans aucun allégement fiscal.
Le chroniqueur économique de The Economist, Ryan Avent, contre-argumentait que les taxes (ou la fin des allègements fiscaux) ralentiraient l’innovation, et que, de toute façon, rien ne prouve économiquement que des robots prennent des emplois. Se sont des arguments moins convaincants. Il est vrai, bien sûr, qu’une taxe sur les robots ne résoudra pas à elle seule le manque d’emplois. Mais supprimer les incitations financières qui favorisent l’automatisation par rapport aux humains créera au moins des conditions de concurrence équitables.
Plus spécieux encore est l’argument selon lequel une taxe sur les robots est une pente glissante : vont-ils taxer mon Roomba ou mon grille-pain intelligent ensuite ? D’une manière ou d’une autre, nous réussissons à taxer la main-d’œuvre, et pourtant vous pouvez toujours tondre votre pelouse et nettoyer votre maison sans payer le gouvernement.
Malheureusement, les participants d’Emtech Next n’étaient pas d’accord, 70% ont voté contre la taxe sur les robots après avoir entendu le débat.
L’un des thèmes récurrents était que les entreprises peuvent mieux exploiter l’automatisation et l’IA non seulement pour leur propre rentabilité, mais aussi pour améliorer leur productivité et faire croître l’économie dans son ensemble. Comment ? Deux ingénieurs, Meera Sampath de l’Université d’État de New York et Pramod P. Khargonekar de l’Université de Californie, Irvine, ont présenté leur plan pour une « automatisation socialement responsable », qui commence par amener les technologues à réfléchir davantage à la façon dont leurs créations seront réellement utilisées et dont ces utilisations peuvent profiter aux travailleurs et à la société.
« Ok, je vais l’avouer, chaque fois que j’entends le mot «cobot», je grince des dents. Oui, il y a eu des progrès remarquables en robotique au cours de la dernière décennie, qui permettent à ces machines de travailler plus facilement et en toute sécurité aux côtés de personnes et d’effectuer davantage de tâches de nature humaine. Et oui, je sais que la promesse est que, en prenant en charge des tâches banales, ces robots permettront aux gens de faire des tâches plus intéressantes et, espérons-le, productives.
Mais c’est une décision que trop souvent les entreprises ne prennent pas; bien au contraire, bon nombre d’entre elles remplacent leurs salariés. Si les robots exécutent 20% des tâches exécutées par un travailleur, vous avez besoin de 20% de moins de personnes pour effectuer le travail.
Il est devenu de plus en plus clair pour les économistes que c’est la seule raison pour laquelle nous sommes confrontés à une crise : les salaires sont lissés et les possibilités d’emploi sont limitées pour de nombreux travailleurs… »
L’économiste du MIT Daron Acemoglu met cela sur le compte de ce qu’il appelle l’automatisation et les technologies « médiocres » (pdf). Des avancées comme l’automatisation devraient être un boom de la productivité, mais la croissance de la productivité est lente depuis plus d’une décennie. Selon Acemoglu, c’est parce que trop souvent les entreprises automatisent des tâches même lorsque les machines ne sont pas plus productives, en raison des distorsions fiscales susmentionnées et d’un enthousiasme général pour les robots. Vous avez donc un double dilemme : non seulement les robots remplacent les travailleurs, mais ils ne sont pas particulièrement aptes à faire croître l’économie.
La solution consiste à créer de nouvelles tâches productives pour les travailleurs remplacés par l’automatisation. (C’est ce qui s’est passé dans le passé). Et c’est là que l’intelligence artificielle pourrait être utile. Les exemples ne sont pas si difficiles à imaginer. Par exemple, si vous libérez les professionnels de la santé, comme les radiologues et les infirmières, des tâches routinières, ils pourraient utiliser les systèmes d’IA pour collecter et analyser beaucoup plus de données sur les patients, élargir leurs capacités et leur donner de nouveaux moyens de conseiller et de traiter les patients. Acemoglu cite des exemples similaires existant dans l’éducation et la fabrication.
Mais, et c’est la clé, Acemoglu prévient que cela ne se fera pas nécessairement tout seul (pdf). Vous ne pouvez pas laisser cela aux marchés ou aux technologues. Nous devons poursuivre délibérément cet objectif.
L’intelligence artificielle et la robotique changent l’avenir du travail. Êtes-vous prêt ?
Quelles sont les difficultés socio-économiques des Etats européens?
Fuite des cerveaux, dumping social, discrimination à l’embauche, crises financières à répétition, dépendance excessive aux importations dans des domaines stratégique, difficulté à concilier libertés économiques et sécurité, explosion du nombre d’assistés par rapport au nombre d’actif.
Est-ce la conséquence de l’automatisation?
Non, l’automatisation n’est qu’un problème grave parmi d’autre et n’est pas la source de tous les maux.
Quel est le fond du problème?
Les gouvernements européens sont dépourvus de l’ingéniosité et du volontarisme nécessaire pour réguler les acteurs du marché. Leur tendance à collusion avec ces mêmes acteurs leur permet d’imposer leurs règles, ce qui est assimilé par l’opinion publique à une prétendue impuissance de la démocratie représentative. La mauvaise gestion du système socio-économique et le discrédit qui s’en suit sont aggravés par le dumping fiscal, source de disette budgétaire.
Comment s’en sortir?
Pour commencer:
-Ne pas fétichiser la haute technologie qui n’est pas au coeur du problème ou de sa solution.
-Renforcer la démocratie en instaurant, entre autre, une démocratie référendaire inspiré des modèles suisse et californien afin que les masses populaires puissent réellement défendre leur intérêt général.
-Instituer un capitalisme populaire où chacun est à la fois salarié et actionnaire de son entreprise, d’une entreprise de sa commune, d’une entreprise de sa région, etc… pour que toute hausse des salaires ou des dividendes entraîne une hausse du pouvoir d’achat pour le plus grand nombre.
-Réduire autant que possible les recettes fiscales des pouvoirs publics au profit de leurs recettes non fiscales.
-Protéger ses marchés et brevets.
Ce n’est pas l’automatisation qui cause problème mais qui la met en oeuvre, dans quel but et sous quelles règles. Taxer les robots n’importe comment ne résout rien.