Le vieillissement est une maladie et la thérapie génique pourrait être le remède
Par : João Medeiros
Après que son fils ait reçu un diagnostic de diabète de type-1, Elizabeth Parrish a entamé des recherches sur les traitements génothérapiques (thérapie génique), et les a testés sur elle-même.
En septembre 2015, Elizabeth Parrish s’est envolée de Seattle à destination de Colombia pour recevoir un traitement expérimental.
Elle avait passé plus de deux ans à éplucher la documentation sur le sujet, à s’entretenir avec des experts et avait décidé de suivre une thérapie génique – un traitement visant les désordres génétiques qui introduit des gènes dans des cellules pour remplacer ceux qui sont défectueux ou absents. Elle a commandé des cellules thérapeutiques des mois à l’avance et s’est arrangée pour qu’un technicien lui administre la thérapie dans une salle blanche, près d’un hôpital, au cas où elle aurait une mauvaise réaction immunitaire. La thérapie génique lui a été livrée dans un récipient fermé et administrée par voie intraveineuse sur une période d’environ cinq heures. Parrish est demeurée sous observation pour quelques jours et est ensuite retournée chez elle.
« Est-ce que j’étais anxieuse par la suite ? Oui », affirme-t-elle, « J’étais manifestement à la recherche de signaux d’alarme, j’étais pleinement consciente de la moindre douleur. » Elle est devenue la première personne à se soumettre volontairement à une thérapie génique pour la maladie qui l’affecte : le vieillissement.
En janvier 2013, le fils de Liz Parrish a reçu un diagnostic de diabète de type-1. « Tous les deux jours, il avait un taux de sucre dans le sang extrêmement bas », dit-elle, « cela me rappelait continuellement que nous, les humains, passons beaucoup de temps à prétendre que notre mort n’est pas imminente. » Elle se souvient qu’on lui ait dit que son fils était chanceux parce que le diabète peut être traité. « J’étais durement touchée par le temps passé à l’hôpital pour enfants », constate-t-elle. Elle s’est intéressée à l’avenir promoteur de la médecine moderne, plus particulièrement la thérapie génique. « Je me suis demandé pourquoi cette technologie n’avait pas encore abouti dans ces hôpitaux où des enfants meurent. »
Parrish a alors commencé à assister à des conférences médicales. « J’ai trouvé une conférence à Cambridge qui semblait traiter de génétique », dit-elle, « finalement il était question de longévité. » Elle y a appris comment les modifications géniques avaient déjà prolongé jusqu’à 11 fois la durée de vie normale des vers et de 5 fois celle des souris. « J’ai compris que si le vieillissement était une maladie et que tout le monde en souffrait, la façon la plus rapide de financer ces recherches serait essentiellement d’informer les gens de cet état et de les convaincre d’investir dans la recherche pour trouver un remède », affirme Parrish.
À ce moment-là, Parrish, qui jusque-là travaillait à temps partiel pour des sociétés de génie logiciel, a mis sur pied sa propre entreprise, BioViva, afin d’accélérer les recherches thérapeutiques et en faire profiter des patients. « Pourquoi autant de patients doivent attendre, souffrir et mourir? », se demande-t-elle, « nous sommes devenus si réfractaires au risque que des patients meurent dans l’attente d’un traitement. Nous devons renverser la situation. Il y a des millions de patients en phase terminale sur la planète à l’heure actuelle. Ils devraient avoir accès aux thérapeutiques les plus prometteuses qui ne sont pas assorties d’une myriade d’effets secondaires. Aucune intelligence artificielle ni aucune méta-analyse de ces thérapies ne pourra remplacer ce qui se passe dans le corps humain. Et nous laissons des gens mourir parce que nous nous inquiétons du fait qu’une thérapie pourrait les tuer. C’est le comble de l’exercice du droit. »
Parrish a alors pris une autre décision : elle allait essayer la première thérapie sur elle-même. « J’estime que c’était la chose la plus responsable et la plus morale à faire. Je crois que l’entreprise devait goûter à sa propre médecine avant de l’offrir aux patients. »
Parrish a expérimenté deux thérapies. L’une était un inhibiteur de la myostatine, un médicament conçu pour augmenter la masse musculaire, et l’autre, une thérapie de la télomérase, qui rallonge les télomères, une partie des chromosomes qui protège le matériel génétique des dommages et permet la réplication de l’ADN. Rallonger les télomères peut, au moins en théorie, prolonger la longévité des cellules et les rendre plus résilientes aux dommages.
« Nous prenons des traitements comme la thérapie génique et les utilisons comme une technologie. »
« La thérapie de la télomérase a annulé les effets du vieillissement des souris et prolongé leur espérance de vie », affirme Parrish, « je suis convaincue qu’il s’agit de la thérapie la plus prometteuse, et elle prenait la poussière dans les laboratoires et ne semblait pas être une option viable en raison de ce qui semble être des questions de brevet et de chamailleries académiques. Nous ne le saurons jamais si nous ne l’essayons pas chez l’humain. Ça ne sert à rien de continuer de se demander si elle fonctionne ou non si nous ne l’utilisons jamais. Comme à l’image de ces lemmings qui arpentent les falaises, attendant que quelqu’un d’autre leur vienne en aide. »
Quelques semaines après le traitement, Parrish a subi des examens de suivi, menés par des tierces parties indépendantes. Les télomères de ses globules blancs avaient allongé de plus de 600 paires de base, ce qui, selon Parrish, signifie un prolongement équivalant à 20 ans. Une IRM de tout son corps a révélé une augmentation de sa masse musculaire et une réduction de sa graisse intramusculaire. D’autres analyses ont indiqué que sa sensibilité à l’insuline s’est améliorée et que son niveau d’inflammation a diminué.
« L’entreprise a été fondée principalement pour prouver si ces thérapies fonctionnent ou non », déclare Parrish « Souvenez-vous que BioViva n’est pas un organisme de recherche. Nous prenons des traitements comme la thérapie génique et les utilisons comme une technologie. Nous aimerions créer un marché libre où des gens pourraient acheter ces technologies, comme on le ferait pour un cellulaire ou un ordinateur. »
D’autres analyses sont réalisées au laboratoire George Church à Harvard. Parrish et son équipe mènent actuellement de concert avec d’autres établissements hospitaliers du monde entier des études de sécurité et de faisabilité sur des sujets humains. « J’avais déjà mis les choses en perspectives, que sans la médecine, mon fils serait mort, et il est la prunelle de mes yeux », affirme Parrish, « je sentais que je n’avais pas vraiment contribué à la société et voici l’occasion de le faire. »
traduction Stéphanie S.