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Nous pourrons choisir les qualités génétiques de nos enfants

Président des Extropiens, Max More, 41 ans, expose la pensée du mouvement qu’il a initié en 1991. Entre science-fiction, technologies de pointe et rêves de puissance, ce « philosophe-consultant-futuriste » déroule une rhétorique inquiétante.

Pourquoi avez-vous créé l’Institut d’Extropie ?

J’ai créé l’Institut en 1991 pour regrouper les gens qui partageaient nos idées : l’accroissement de la longévité, l’augmentation de l’intelligence, le dépassement des limites de la condition humaine… À l’époque, cela semblait de la science-fiction mais, depuis, les progrès dans ces différents domaines ont été énormes. Pour nous, il s’agit maintenant de réfléchir aux enjeux et aux difficultés qui peuvent apparaître. Au lieu de dire : « Regardez ce qui peut se passer », nous en sommes à : « Quand ces choses vont arriver, comment allons-nous gérer cela ? Comment préparer notre culture à ces changements ? » Nous devons également nous soucier de l’opposition et des craintes que les technologies réveillent chez certains. Il est très simple de donner une image terrifiante du futur. Il est plus difficile d’être créatif et de penser l’avenir de façon positive.

Quelle est cette « entropie » que vous combattez ?

L’entropie prend de nombreuses formes. La principale est, à nos yeux, la mort et le vieillissement. Nous pensons que l’espérance de vie humaine peut être considérablement allongée, comme cela a été réussi en laboratoire pour plusieurs espèces animales. Bientôt, nous pourrons vivre plusieurs siècles. Mais cette idée fait peur aux gens. Pourtant, vivre plus longtemps signifie aussi vivre mieux. La société elle-même pourrait s’en trouver améliorée. Les crimes violents, par exemple, sont surtout commis par les jeunes : on les utilise également pour mener les guerres, parce qu’ils se soucient moins du futur et de la longévité. Des gens plus vieux, mais en bonne santé, trouveraient d’autres moyens de résoudre les différends et il y aurait moins de conflits. Autre exemple : la protection de l’environnement. Si vous vivez plus longtemps, vous serez plus concernés par l’avenir, car ce ne sera plus seulement celui de vos enfants, mais aussi le vôtre. C’est que l’on pourrait appeler l’état « d’ultra-maturité ».

Vous parlez de « transhumanisme » et de « posthumanisme ». Comment les définissez-vous ?

Nous n’atteindrons l’état de posthumanisme que lorsque nous aurons profondément changé la condition humaine et que nous n’appartiendrons plus à la même espèce. En gros, ce qui fait de nous des humains réside dans nos gènes. Si l’on changeait la façon dont ces gènes sont structurés ou la façon dont ils sont programmés, par manipulation génétique ou en rapprochant l’homme et l’ordinateur, on pourrait dire que nous sommes devenus « posthumains ». Nous serions une espèce différente. Le terme de « transhumanisme » désigne plutôt le mouvement vers ce stade, une phase transitoire dont on ne peut pas donner de définition rigide. D’une certaine façon, nous sommes déjà des transhumains. Nous portons des lentilles de contact, des pacemakers, des prothèses pour les hanches… À mesure que nous utilisons ces technologies, non seulement pour corriger des défauts humains, mais aussi pour augmenter nos capacités, notre intelligence, notre mémoire et notre longévité, nous avançons dans les différentes étapes du transhumanisme.

Que voulez-vous exactement améliorer chez l’Homme ?

Il faudrait totalement remodeler le cerveau pour améliorer notre mémoire, par exemple, mais aussi notre capacité de concentration, de création… De même, il faudrait changer certaines réactions humaines « naturelles » comme la peur de l’inconnu, la xénophobie et la réticence face à la nouveauté qui, je pense, ont des origines culturelles. Les changements peuvent être physiques, grâce à l’emploi des nanotechnologies. Par exemple, on pourrait tisser dans les os de notre crâne des molécules de diamant afin de devenir pratiquement indestructibles. Nos cerveaux sont aujourd’hui très vulnérables, alors qu’avec des nanofibres de diamant, un camion vous roulant sur la tête ne serait qu’un inconvénient mineur. Nous pourrions aussi améliorer notre système immunitaire afin qu’il réponde plus vite aux nouvelles maladies. En gros, il s’agit de « dé-buguer » le corps et l’esprit et d’y ajouter de nouvelles fonctionnalités.

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Deux scientifiques ont récemment annoncé leur intention de cloner des humains. Quelle est la position des Extropiens ?

Le clonage ne m’intéresse pas particulièrement. Je n’ai pas envie d’avoir un clone de moi-même. Je préfèrerais avoir un enfant génétiquement modifié, auquel j’aurais donné tous les avantages possibles. Je ne suis pas assez orgueilleux pour penser que mes gènes sont les meilleurs.

Selon vous, les bébés génétiquement modifiés sont déjà d’actualité ?

Nous n’en sommes pas si loin. La première chose que nous verrons, et qui est déjà en cours, est la modification génétique pour corriger des défauts et certaines maladies. Dans ce domaine, la science progresse très vite : on connaît déjà les gènes responsables de la schizophrénie, de la dépression, de l’alcoolisme, des maladies cardio-vasculaires, etc. Au-delà de cela, on pourra bientôt faire des choix d’ordre « cosmétique » pour ses enfants. On pourra, par exemple, décider de leur taille. Comme une petite taille est un désavantage dans notre culture, vous pouvez avoir envie d’éviter cela à votre enfant. Mais l’avancée la plus importante sera la possibilité de lui donner une plus grande intelligence, des capacités musicales, artistiques, philosophiques améliorées, une grande stabilité émotionnelle, davantage de force physique. En gros, lui permettre d’être brillant dans tous les domaines afin qu’il puisse choisir lui-même ce qu’il veut devenir. On sait déjà faire des chromosomes artificiels et l’on pourrait imaginer une sorte de cartouche qui serait, par exemple, une 24e paire de chromosomes préfabriqués, que l’on pourrait insérer dans un fœtus en développement. Toute la beauté des chromosomes artificiels, c’est qu’ils permettent de contourner l’une des principales objections contre les manipulations génétiques humaines : il ne serait pas acceptable de modifier un enfant qui va transmettre ses chromosomes à toute sa descendance. Or, les chromosomes artificiels peuvent être activés après la naissance. On pourrait donc attendre que l’enfant atteigne sa majorité et le laisser choisir que ces chromosomes supplémentaires s’expriment ou non.

Votre philosophie est extrêmement élitiste et les « améliorations » dont vous parlez ne seront accessibles qu’à une petite partie de la population…

Aucune nouvelle technologie n’a jamais été accessible à tous. S’il en avait été autrement, on en serait encore à l’âge de pierre. L’automobile est un exemple parmi d’autres. Je souhaite bien sûr que toutes ces technologies soient les plus démocratiques possibles, mais je ne pense pas que l’on puisse les stopper ou les ralentir, simplement parce que tout le monde ne peut y avoir accès. Les gens les plus éduqués auront plus de facilités à s’en emparer, mais elles se répandront de plus en plus vite grâce aux progrès que l’on fait dans le domaine de la communication et grâce à la rapide baisse des prix.

Et que deviendront ceux qui ne souhaiteront pas faire partie des humains « améliorés » ?

Cela ne nous pose bien sûr aucun problème. Personne ne doit être forcé à utiliser quoi que ce soit. Aux États-Unis, nous avons par exemple les Amish, un groupe religieux qui restreint depuis des années l’usage de certaines techniques afin de préserver leur équilibre social. Pour faire un parallèle, il y aura sûrement des « Humanish » qui auront choisi d’être strictement humains, de ne pas avoir recours aux manipulations génétiques, de ne pas augmenter leur intelligence, de ne pas vivre plus longtemps. Ce sera un choix personnel. On peut montrer, expliquer, informer, mais on ne peut forcer personne.

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Mais si l’élite se mue en classe « d’humains supérieurs », comment sera-t-il possible de résister à la pression sociale et de refuser de faire de même ?

Il est certain que cette pression existera. Si vous êtes employeur, préfèrerez-vous embaucher une personne très brillante qui a un intellect avancé et contrôle bien ses émotions ou une personne non-améliorée, qui agit de façon irrationnelle et a du mal à se concentrer ? La pression sera la même que celle qui pousse les gens à faire de bonnes études, ce qui est, dans l’ensemble, plutôt sain. En revanche, si vous êtes prêt à renoncer à certaines choses, comme les Amish, vous pourrez vivre autrement. Les gens formeront probablement différentes sociétés, différentes sous-cultures, qui permettront de préserver leur liberté de choix. Enfin, si nous migrons vers d’autres planètes ou des univers de réalité virtuelle, il y aura plus d’opportunités pour les gens de former leur propre communauté.

Concrètement, comment appliquez-vous les principes extropiens dans votre vie de tous les jours ?

Je fais tout ce que je peux pour vivre plus longtemps. Je fais de l’exercice et de la musculation tous les jours. Je suis un régime alimentaire faible en graisses. J’ai également un programme personnalisé que j’ai fait faire sur mesure par la clinique Kronos, dans l’Arizona. Ces médecins mesurent 150 variables physiologiques et vous donnent une idée très précise de l’état de votre corps et de votre âge « fonctionnel ». Ils établissent ensuite un programme personnalisé pour compenser vos manques avec une combinaison de vitamines et autres, que l’on réajuste tous les six mois. Dans l’ensemble, je suis en bonne forme mais je craignais, notamment, les risques de crise cardiaque, car c’est ce dont sont morts mon père et mon frère.

Vous avez également pris des dispositions pour être cryogénisé…

La cryogénisation, c’est plutôt une sorte d’assurance dont j’espère ne jamais avoir besoin. J’ai été le premier à prendre ce genre de dispositions en Europe, en 1986. En gros, le contrat dit que si je suis déclaré mort légalement, alors une société américaine congèle mon corps en abaissant progressivement la température jusqu’à -160° et me vitrifie en remplaçant mon sang par une solution synthétique qui ne cristallise pas dans la glace. Le corps peut ainsi être conservé des siècles, jusqu’à ce que l’on ait trouvé un remède technologique à la maladie dont je serai mort. Je préfère ça que d’être mangé par les asticots…

Alexandre Piquard, Archives du magazine transfert.net 01/08/2001

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  1. archive 2/09/2003•12h38 source

    « On peut reprogrammer génétiquement l’embryon par un changement de sa forme physique » [Emmanuel Farge]

    Un biophysicien français vient d’inventer le tour de potier génétique

    Emmanuel Farge est chercheur à l’Institut Curie de Paris, enseignant à Paris-VII Jussieu et membre de l’Institut universitaire de France . Physicien de formation, il s’est d’abord intéressé aux propriétés des membranes biologiques puis aux aspects mécaniques du développement embryonnaire (embryogenèse). Après 4 ans de recherches, il a découvert qu’en soumettant l’embryon à des contraintes mécaniques artificielles, on peut moduler l’expression de certains gènes du développement, et déclencher ou bien bloquer ainsi la formation de certains organes. Ses travaux viennent d’être publiés dans la revue scientifique internationale Current Biology.

    Qu’entendez-vous par « reprogrammation génétique de l’embryon » ?

    Emmanuel Farge : Au cours de son développement, tout embryon subit une métamorphose continue. Des déformations physiques actives vont définir la forme que prendra l’organisme adulte. Elles induisent, par exemple, la formation du tube digestif à partir d’une invagination des tissus externes de l’embryon (ndlr : une invagination correspond à un plissement « en doigt de gant » d’une membrane ; ces plissements pouvant conduire à la formation ou à la déformation d’un organe). On sait aujourd’hui que ces mouvements sont contrôlés par des gènes architectes dits « de développement ».

    Je me suis demandé si la réciproque était vraie. Les changements de forme physique actifs de l’embryon, en générant des contraintes mécaniques, modulent-ils l’expression des gènes du développement ? Ceci reviendrait à changer le « destin génétique » – donc à reprogrammer – des tissus de l’embryon par une simple sollicitation mécanique appliquée à ces tissus.

    Jusqu’où peut-on modifier un organisme de cette manière ?

    A priori, on peut aller jusqu’à la suppression ou l’ajout d’organes… En soumettant l’embryon à une déformation mécanique axiale, nous avons pu modifier de façon spectaculaire l’expression de 5 gènes du développement embryonnaire de la drosophile. L’un de ces gènes, appelé twist, est responsable des mouvements actifs d’invagination des tissus. À ce titre, c’est lui qui permet la formation du tube digestif par invagination.

    Nos expériences montrent que twist est mécano-sensible : il « s’exprime » lorsque la cellule embryonnaire subit une pression mécanique. Nous sommes ainsi parvenus à induire des invaginations aberrantes à la surface de l’embryon en le soumettant à des déformations artificielles. Et nous avons aussi réussi à restaurer ainsi la bonne formation du tube digestif chez des mouches atteintes d’un déficit génétique qui bloque normalement ce stade de développement.

    Vos travaux portent sur des embryons de mouche du vinaigre (drosophile). Nous apprennent-ils quelque chose sur l’embryogenèse de l’homme ?

    Au stade de développement que nous avons étudié, l’embryon de drosophile partage de nombreuses similitudes avec celui de vertébrés comme l’homme, la grenouille ou la souris. Il y a donc des raisons de penser que ce que nous avons découvert chez la mouche s’applique aussi à l’embryon humain. D’ailleurs, certains des gènes « architectes » présents chez la mouche se retrouvent dans tout le règne animal. Toutefois, la rigueur scientifique ne permet pas pour l’instant de généraliser aux vertébrés des résultats obtenus avec la seule drosophile. Mes travaux ont démontré pour la première fois qu’on peut reprogrammer génétiquement un embryon par un changement de sa forme physique, d’autres études sur d’autres espèces doivent désormais vérifier si ce mécanisme est universel ou propre à certains invertébrés.

    Ces expériences semblent indiquer que l’embryon se construit en interagissant avec l’extérieur, que des organes fondamentaux comme le tube digestif se construisent à la demande. N’est-ce pas une remise en cause des conceptions darwinienne qui considèrent que la sélection naturelle est le seul moteur de l’évolution ?

    Mes résultats ne remettent pas en cause le principe de la sélection naturelle, mais ils montrent effectivement que les mécanismes du développement embryonnaire interfèrent avec le génome : ils peuvent amplifier ou bien masquer ses effets.

    Selon mon hypothèse, le gène twist, qui « commande » l’invagination des tissus , pourrait refléter un comportement embryonnaire dérivant du reflexe archaïque d’ingestion au contact. On observe ce phénomène dans les organismes les plus primitifs : en réponse à une pression mécanique externe, la membrane cellulaire s’invagine de manière à envelopper puis avaler l’intrus.

    Ainsi l’embryon aurait évolué en développant ses propres contraintes mécaniques internes. Au cours du temps, certaines cellules, systématiquement déformées par ces mouvements endogènes, ont ainsi permis qu’un intestin antérieur permanent se forme dès le début de l’embryogénèse, sans l’aide d’aucun stimulus extérieur.

    Votre approche relativise l’importance du génome dans la construction des êtres vivants, même du point de vue biologique. Cela veut-il dire qu’on peut fabriquer deux individus clonés parfaitement… différents ?

    Mes travaux démontrent que le programme embryogénique est extrêmement plastique et que, chez la drosophile, il peut être modifié en déformant l’embryon.

    Cela confirme que drosophile ou homme, les clones d’animaux ne sont jamais des copies biologiques. À partir du moment où 2 embryons jumeaux échangent avec l’extérieur, leur environnement immédiat est légèrement différent et leur destin biologique va commencer à diverger. Il ne peut y avoir de déterminisme génétique absolu.

    Yaroslav Pigenet

    L’article d’Emmanuel Farge (Current Biology):

    http://www.current-biology.com/cont

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