Nos cerveaux resteront-ils humains ?
Cerveau : les espoirs. Les fantasmes.
La réalité.
Depuis la découverte des possibilités de remodelage du cerveau, chez l’enfant mais aussi chez l’adulte, nombreux sont les chercheurs à s’être penchés sur les fascinants phénomènes de la plasticité cérébrale. Aujourd’hui, à l’heure où abondent les images de cerveau « super ordinateur » et les promesses d’hybridation transhumanistes, les espoirs suscités par cette formidable faculté du cerveau à se réinventer sans cesse se sont transformés en fantasmes.
Qu’est-ce qui est, aujourd’hui, réellement faisable ? Et demain ? Il ne s’agit pas seulement de faire le point, mais aussi de réfléchir à ce qui est souhaitable, afin que l’humain pensant d’aujourd’hui continue à cogiter par lui-même demain…
Neurobiologiste, très impliquée dans la vulgarisation du savoir scientifique, Catherine Vidal est directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur de Paris et membre du comité d’Ethique de l’Inserm. Ses recherches portent sur les mécanismes fondamentaux du fonctionnement du cerveau en lien avec les maladies neuro-dégénératives. Elle travaille actuellement au sein du comité d’Ethique de l’Inserm et co-dirige le groupe « Genre et Recherches en Santé ». Son intérêt porte sur les enjeux éthiques des neurosciences, le déterminisme en biologie, le cerveau et le sexe.
Voici la définition du transhumanisme fourni à la page 80: « Selon les théoriciens de l’idéologie du transhumanisme (dont le fondateur Raymond Kurzweil), le progrès technologique va permettre de transformer l’espèce humaine pour l’hybrider avec des machines. Le but ultime est d’atteindre l’ère du « posthumanisme » où l’humain sera émancipé de sa condition biologique originelle, et son esprit téléchargé dans des robots, pour conduire à une intelligence artificielle infiniment plus performante que l’intelligence humaine. »
Donc, analysons l’idée que Catherine Vidal se fait du transhumanisme:
1) Le transhumanisme est présentée comme une idéologie alors que c’est plutôt une idée, l’augmentation des capacités humaines par les disciplines et/ou les technologies est la meilleure stratégie pour améliorer sa condition personnelle ou la condition des membres de la société. Cette idée a engendré une multitude d’idéologie sachant que les transhumanistes sont présents dans tous les courants de pensées de l’extrême-gauche à l’extrême-droite et du polythéisme à l’athéisme.
2) Raymond Kurzweil est présenté comme le fondateur du transhumanisme. Il ne l’est pas plus que Max More ou Nick Bostrom qui sont présentés comme tel par d’autres contempteurs du transhumanisme.
3) Le but des transhumanistes est l’augmentation des capacités humaines. La transformation de l’homme en « artilect » est l’objectif d’une partie des posthumanistes, un courant de pensée distinct du transhumanisme. Les personnes correctement informés (et honnêtes) ne font pas d’amalgames entre les transhumanistes, les singularistes, les minduploadistes et les posthumanistes. Après tout, un transhumaniste n’est pas forcément un singulariste ou un minduploadiste et n’a pas forcément pour but de devenir immortel ou de se transformer en quelque chose qui n’a plus d’apparence humaine.
Mais il n’est pas étonnant que Catherine Vidal se fasse une telle idée du transhumanisme. La lecture des pages 50 à 53 nous montre qu’elle n’est pas consciente que tous les transhumanistes ne sont des Californiens et/ou des employés/sympathisants des GAFA. Dans un style assez paranoïaque, à la page 51, elle assimile les NBIC à un « vaste programme de recherche » lancé par la Silicon Valley. NBIC n’est qu’un acronyme pour désigner les nouvelles technologies les plus en vogue depuis la fin du XXe siècle.
L’auteure est probablement une neurologue compétente qui énonce sans doute un grand nombre de vérité sur les neurosciences et les neurotechnologies dans ce court essai. Mais avant de faire le procès des transhumanistes, elle aurait peut-être dû consulter le site de l’AFT au lieu de s’en tenir aux brulôts anti-transhumanistes publiés au cours des dernières années. L’AFT, pour ne citer qu’elle, partage toutes les préoccupations exprimées aux pages 63 à 69.