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Aux racines de la nébuleuse transhumaniste : un chantier à ciel ouvert

« Do you have a legal right to freeze a relative? Will failure-to freeze be considered murder or negligent homicide? Will there be an increase in mercy killings and suicides? Can a corpse have legal rights and obligations? Can a corpse vote? » Robert C.W. Ettinger, The prospect of immortality, Doubleday, NY, 1964, p. 17.

Dans un article stimulant intitulé « Le mouvement transhumaniste. Approches historiques d’une utopie technologique contemporaine », publié récemment dans la revue Vingtième Siècle, Revue d’histoire1, l’historien des idées Franck Damour nous invite à une exploration historique de la nébuleuse transhumaniste comme mouvement, mouvance et controverse, au travers des traces numériques de ses acteurs2.

Une contextualisation, toute en finesse, qui permet de prendre des distances avec la généalogie développée par le philosophe Nick Bostrom3 directeur du think tank Future of Humanity Institute (FHI) rattaché à l’université d’Oxford ; un discours, devenu « quasi officiel », qui masque des orientations idéologiques divergentes, « une stratégie de légitimation » liée à la définition même du transhumanisme.

Ambitieuse, l’analyse se situe à la croisée de l’histoire des mentalités religieuses, des technologies et du système techno-scientifique, du capitalisme et des imaginaires politiques.

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Au sein de cette nébuleuse, Franck Damour distingue deux courants initiaux : le mouvement extropien fondé en Californie par Max More en 1988 dans le sillage du père de la cryonie, Robert Ettinger, et le « futurologue » Fereidoun M. Esfandiary (FM-2030) et le World Transhumanist Association (WTA), devenu Humanity+, créé par Nick Bostrom et David Pearce en 1998, qui fait dissidence avec les extropiens libertariens, inspirés par la philosophe, scénariste et romancière Ayn Rand, mais aussi avec les singularitariens (du nom de la singularité technologique).

L’article met surtout en lumière le sous-bassement conceptuel cryonique commun à ces deux mouvements, initié par l’ouvrage de Robert Ettinger (1918-2011) : The prospect of immortality (1964). Arguant que la technologie va permettre à l’homme de prendre son destin en main, s’affranchir de sa condition, celui-ci ouvre une perspective inédite.

Programmatique, cet article est une invitation à « ouvrir un chantier » pour favoriser l’exploration des liens entre le transhumanisme et les milieux académiques et industriels, son rôle auprès du capitalisme californien, mais aussi mettre en lumière le parallèle entre le transhumanisme né dans les années 1980 et la génération antérieure incarnée notamment par le biologiste britannique Julian Huxley (1887-1975) et l’ingénieur français Jean Coutrot (1895-1941).

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Vincent Guérin

Notes :

1 Franck Damour, « Le mouvement transhumaniste. Approches historiques d’une utopie technologique contemporaine », Vingtième Siècle, Revue d’histoire n° 138, avril-juin 2018, p. 143-156.

2 Franck Damour est professeur agrégé d’histoire. Spécialiste en histoire des idées, il étudie l’évolution des théologies chrétiennes dans le monde contemporain. Depuis 2016, il est associé à la Chaire éthique et transhumanisme de l’Université catholique de Lille.

3 Nick Bostrom, « A history of Transhumanist Thought », Journal of Evolution and Technology, vol. 14, issue 1, avril 2005.

Principes transhumanistes d’Extropie

1 Comment »

  1. On ne peut pas vraiment dire que Nick Bostrom ait tenté de masquer la variété des transhumanistes. Il a simplement fait la promotion d’une conception du transhumanisme qui est différente de celles des technolibertariens extropiens ou autres … mais plus conforme aux idéaux de la majorité des militants de la WTA, aujourd’hui rebaptisée Humanity plus. Pourquoi ceux-ci devraient-ils se conformer leur doctrine aux préjugés de ceux qui veulent faire l’amalgame entre les différents courants de transhumanistes démocrates sociaux, démocrates libéraux, autoritaristes sociaux et autoritaristes libéraux? Et on ne parle pas de l’amalgame entre transhumaniste et singulariste…

    Dès lors, en quoi le discours de Nick Bostrom est-il critiquable? Qu’on se le tienne pour dit: Ce n’est pas parce que certains transhumanistes sont extrémistes (Ex: le NRx) que tous sont collectivement responsables de leur excès. Le « tort » de Nick Bostrom est simplement d’être une épine dans le pied de ceux qui veulent réduire la mouvance transhumaniste à ses groupes les plus aisément critiquables selon leurs critères ou ceux de l’opinion publique.

    Comme je l’avais expliqué dans ma critique de « Le transhumanisme, c’est quoi? » (https://iatranshumanisme.com/2018/05/31/le-transhumanisme-c-est-quoi/#comments), l’histoire du transhumanisme ne commence pas Max More et les extropiens et il ne faut pas non plus exagérer sa contribution à l’essor du technotranshumanisme qui surclasse désormais le sophotranshumanisme de Julian Huxley ou Jacques Attali* dans les médias.

    (*) Dans « Une brève histoire de l’avenir », Attali fait l’éloge du « transhumain relationnel » autant qu’il conspue la figure du posthumain libertarien. Pour plus d’info, voir la vidéo de présentation de la 2e édition: https://www.youtube.com/watch?v=pgvPIIwAwvU