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La révolution industrielle 4.0

Une évolution des organisations et des pratiques professionnelles dans la société

Les modes de productions industriels se transforment progressivement dans la société. Plusieurs auteurs et théoriciens exposent l’idée que nous serions entrés dans une nouvelle révolution industrielle rendant obsolète l’économie propre à l’énergie fossile, avec l’émergence de forme de travail nouvelles fonctionnant par exemple en réseau pour les entreprises et dépassant de fait le modèle pyramidale existant depuis plusieurs années. Cette nouvelle révolution industrielle lié à l’économie du savoir et de la connaissance s’inscrit dans la continuité des révolutions techniques et productivistes du XXème Siècle transformant nos manières de vivre ensemble, de travailler voire même de penser. L’émergence d’organisations réticulaires pour mener à bien des projets serait la nouvelle donne. La structure pyramidale dans les entreprises très hiérarchisées se préparerait à être abolie au profit d’une expansion et un développement rapide de nouveaux modes de productions industriels. Plusieurs réflexions demeurent donc face à la montée en puissance de ces nouveaux modes de travail, qui bousculent les activités humaines, notamment par la diffusion croissante des pratiques numériques et présentant un travailleur toujours plus connecté. Une nouvelle ère est annoncée qui transforme les pratiques professionnelles des individus à travers l’utilisation et l’application de technologies innovantes. Des questions demeurent cependant : faut-il déceler à travers ces nouveaux modèles de travail une révolution latente ou bien s’agit-il d’un véritable bouleversement organisationnel chez les travailleurs connectés ? Un changement profond opérait-il dans le rapport au travail avec une accélération des pratiques dans la société ?

Je vais tenter d’exposer dans un premier temps l’existence de nouvelles organisations de travail que je pense être réticulaires puis introduire la nature et les caractéristiques des travailleurs connectés de ces organisations. L’exemple concerne les espaces de co-working comme mode de travail en réseau. La figure du travailleur connecté concerne les indépendants qui utilisent ces environnements à des fins professionnels et personnels et qui par définition illustreraient cette manifestation de nouvelle révolution industrielle ou révolution 4.0. Cette mutation inédite serait le fruit d’acteurs de la prospective, d’inventeurs et de gestionnaires visionnaires qui libéreraient les idées transformant ainsi le monde du travail et de la consommation à venir.

I. Les organisations réticulaires, les espaces de co-working

La dynamique du co-working trouve son origine avec la création du hackerspace C-Base1 à Berlin en 1995. Cet espace est le premier hackerspace du monde et permet à l’ensemble de ses membres de pouvoir se rencontrer, travailler et échanger entre eux. Le hackerspace C-Base se présente comme à l’avant garde du mouvement des espaces de co-working et dispose d’une identité singulière basée sur une culture de l’informatique respective chez ses membres, lesquels peuvent partager un ensemble de ressources et de connaissances en commun. En 1999, dans la continuité de l’ouverture du C-Base, l’expression « co-working » est popularisée par le biais du game designer américain Bernie De Koven. L’auteur définie un travail collaboratif existant par l’utilisation des ordinateurs et des nouvelles technologies. Cette expression correspond à une méthode destinée à faciliter le travail collaboratif et les réunions d’affaires coordonnées par l’utilisation des ordinateurs. Bernie DeKoven considère que les travailleurs d’une entreprise sont trop isolés et que la hiérarchie de l’emploie est trop importante pour permettre la réalisation d’un travail collaboratif entre les travailleurs. A travers cette expression, il souhaite proposer une dynamique du travail plus étendue, basée sur une approche non-concurentielle avec la possibilité pour les personnes de travailler sur leurs propres projets.

En ce qui concerne l’origine physique du co-working, il faut attendre 2005 pour voir se développer un premier espace de co-working à San Francisco en Californie aux Etats-Unis. Le San Francisco Coworking Space intégré dans l’espace du collectif féministe Spiral Muse2 voit le jour. A cette époque, la location de cet espace est proposée par l’intermédiaire du développeur informatique Brad Neuberg dont l’idée vise à accueillir d’autres travailleurs indépendants comme lui, juxtaposant ainsi la dynamique collective du travail tout en ayant acquis une liberté du non-salarié. Pour faire la promotion de cet espace, Brad Neuberg distribue des prospectus et se rend à la rencontre de la population du coin dans les cafés. Progressivement, plusieurs personnes sont intéressées par cette initiative et accèdent à cet espace pour venir y travailler. De fait, la croissance du nombre de personnes désirant rejoindre l’espace s’organise en trois phases. Une première phase correspondant à des individus intéressés seulement pour observer le fonctionnement de l’espace sans y prendre part. Une deuxième phase avec l’installation d’une liste Google Groups destinée à la mise en réseau des différents travailleurs indépendants de l’espace, et initié par Chris Messina et Tara Hunt proche de Brad Neuberg à l’origine de deux autres espaces de co-working : La Hat Factory et le Space Citizen. Enfin, une troisième phase de croissance des co-workers liée à l’ouverture d’un autre espace de co-working la Hat Factory toujours par Brad Neuberg dès suite de la fermeture au bout d’une année de Spiral Muse. Le développement de la Hat Factory s’est réalisé avec l’aide de plusieurs bénévoles devenant ainsi le deuxième espace de co-working aux Etats-Unis.

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Concernant les particularités des espaces de co-working, il me semble qu’ils fonctionnent à la croisée de deux mondes, celui de l’habitation et celui du travail. Le co-working est et avant tout « un mode de production en émergence ». Ce concept est à considéré à travers sa représentation spatiale construisant ainsi un lieu des possibles et qui permet d’accéder à un « mode de coopération qui peut faire émerger de nouvelles pratiques » notamment en réponse à une crise économique et sociale importante. D’après la revue Deskmag3 spécialisée dans ces organisations, en 2013, environ 3000 espaces de co-working étaient officiellement ouverts dans le monde avec pour vocations de faire cohabiter des échanges de compétences entre les travailleurs, et pour les porteurs de projets de partager une base de savoir-faire nécessaire aux développements de leurs produits ou de leurs services.

II. Le travailleur connecté

Le travailleur d’aujourd’hui dans les espaces de travail informatisés disposent de plusieurs caractéristiques et modes de fonctionnement. Individu mobile, et connectés, ils disposent de leurs propres aspirations et codes de travail pour lesquels le numérique joue un rôle important et permet à ces travailleurs d’être maîtres de leurs activités professionnels.

Le travailleur connecté ou co-worker, dispose d’un ensemble de connaissances et de compétences acquises de manière formelles (par la formation) ou plus ou moins informelles (échange de compétences avec ses pairs, autodidaxie). Il se présente comme un travailleur informatisé qui utilise la technologie numérique pour pouvoir réaliser ses projets et en réponse aux offres de son portefeuille de clients facilité par une mise en relation avec d’autres travailleurs. Ce travailleur s’engage dans son travail en considérant certaines valeurs idéologiques telles que la flexibilité, le travail en réseau pour avancer dans ses projets professionnels. Il gravite dans des espaces de co-working à la recherche d’un cadre confortable et avantageux pour développer ses projets et réaliser du réseau (ou networking) avec d’autres travailleurs. C’est un individu déterminé et généralement optimiste dans son travail, en plus d’être doté d’une forme d’altruisme tout en étant pré-disposé à l’autre et aux rencontres professionnelles dans son environnement social. En revanche, ce travailleur moderne bien que connecté peut et suivant le cas travailler de manière isolée des autres, c’est à dire à son poste de travail en étant insensible à toutes formes d’animation dans les espaces informatisés que proposent les gestionnaires ou les animateurs de communautés. En effet, le travailleur connecté peut rechercher en priorité un cadre social accueillant lui permettant de fortifier son réseau professionnel, d’avoir accès à du matériel informatique peu onéreux, tout en ne cherchant pas à partager du temps libre avec d’autres travailleurs des environnements informatisés. En somme, tout dépend de sa personnalité et de ses intentions professionnelles et personnelles pour ces environnements.La particularité du travailleur connecté est de pouvoir travailler sans contrainte de lieu et de temps et d’acquérir une plus grande autonomie professionnelle que des activités professionnelles limitées et contraignantes. En revanche, cette autonomie peut être source d’une temporalité de travail plus importante que des horaires de bureaux normalisés et normalisants. Derrière cette autonomie et ce renforcement de la connectivité, il se peut que certains travailleurs n’arrivent pas à déconnecter de leurs travails même sur le temps du hors travail, et restent donc ainsi joignable à n’importe quel moment de la journée. L’une des difficulté d’ordre professionnel pour le travailleur connecté est de pouvoir trouver du temps de repos lorsqu’il le souhaite et dans des règles définies entre lui et ses clients. Également, en ce qui concerne la diversité des travailleurs de ces environnements socio-techniques, ils proviennent de secteurs professionnels typiques et relativement distincts, bien qu’appartenant à la classe créative exposée par Richard Florida. Cette classe désigne selon Florida, une population urbaine mobile, qualifiée et généralement connectée. Elle représente aux Etats-Unis environ 30 % de la population active « the creative class now includes some 38.3 million Americans,roughly 30 percent of the entire U.S. workforce ». Cette classe créative existerait également en France avec des travailleurs qualifiés toujours plus connectés entre eux et en interactions avec les outils et technologies numériques. Les catégories de travailleurs présents dans ces environnements socio-techniques peuvent se regrouper en plusieurs catégories socio-professionnelles. Citons : les métiers du consulting, de la traduction, de l’ingénierie informatique, voire de l’édition. Ces professionnels indépendants pour la plupart investissent les espaces de co-working pour trouver un cadre de travail en accord avec leurs choix idéologiques portant sur l’ouverture, l’esprit d’entreprendre, le volontarisme et le lien social et avec pour intérêt de pouvoir échanger et discuter sur leurs pratiques professionnelles sur des temps informelles, tout en disposant de matériel approprié et d’une connexion Internet haut-débit.

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Conclusion

Pour cette contribution, j’ai essayé de rendre compte d’une analyse d’environnements informatisés que sont les espaces de co-working. J’ai intégré dans ce travail une esquisse de ce que sont ces environnements intégrant des travailleurs connectés. A partir de ces formes de travail réticulaires, il me semble que nous sommes les témoins d’une mutation et d’une véritable transformation des pratiques professionnelles illustrant ainsi une révolution industrielle de type 4.0 nous positionnant alors sur des valeurs nouvelles de types coopération professionnelle, ouverture d’esprit, et pratiques communautaires. Cette révolution 4.0 me semble intéressante à considérer et peut à mon avis renvoyer également au courant de recherche sur l’économie du savoir et ses aboutissants, s’associant de fait à une forme de diversité des pratiques avec une société de la connaissance qui transforme progressivement le monde qui nous entoure.

1Site internet du HackerSpace

Benjamin Lorre
Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication – USPC. Il nous propose des articles d’opinions sur les questions de mode de travail, de révolutions des pratiques professionnelles et de l’innovation technologique dans la société. Il s’intéresse aux nouvelles mutations du travail en lien avec la diffusion des technologies numériques.

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