L’Audi A8 et le pari des voitures autonomes
Les voitures autonomes font beaucoup parler d’elles, mais peu de gens savent qu’elles sont déjà disponibles. Certes, elles sont encore chères, et surtout leurs limitations sont importantes. Les premières limitations sont technologiques : les voitures peuvent conduire toutes seules, mais elles sont encore incapables de gérer certaines situations difficiles (risques de collision avec des piétons ou d’autres véhicules, travaux sur la chaussée, etc) et demandent donc toujours une vigilance du conducteur. D’autre part, les limitations sont juridiques : ainsi, la France obéit toujours à la Convention de Vienne datant de 1968, qui régit le trafic routier. Autant dire que de très nombreuses possibilités d’ores et déjà disponibles (comme le maintien de la voiture sur une voie) sont légalement interdites, même s’il se dit que certains professionnels les utilisent dès maintenant, par exemple pour faire leur comptabilité au volant dans les bouchons… Mais il est évident que gagner ainsi du temps, en laissant la voiture agir, mais en étant tout de même obligé de maintenir au moins une main sur le volant (sinon la voiture finit par s’arrêter d’elle-même!) et d’être toujours prêt à reprendre le contrôle n’est qu’une demi-solution. L’avenir ne pourra être vraiment aux voitures autonomes que lorsque le conducteur pourra complètement se détacher du volant et ne plus se soucier de la route pendant un temps assez long.
C’est précisément dans cette optique que s’inscrit Audi. Pour bien signifier à la concurrence déjà puissante dans ce domaine, comme Tesla ou BMW, sa volonté réelle de s’imposer, Audi a donc sorti en ce mois de décembre son modèle le plus avancé sur le sujet, la nouvelle Audi A8. Et pour lui donner un maximum d’écho, une expérience unique a été proposée à quelques personnes : traverser le tunnel sous la manche en conduisant cette luxueuse berline, de la France à l’Angleterre, dans la voie de service normalement réservée aux personnels d’Eurotunnel (l’opération était donc organisée en partenariat avec Eurotunnel, dont le Directeur, John Keefe, participait lui aussi à la traversée). Pendant ce voyage, plusieurs discussions filmées étaient mises en place autour de thèmes touchant l’avenir des voitures autonomes et de l’Intelligence Artificielle, omniprésente demain dans les véhicules autant que dans les villes du futur.
J’ai eu pour ma part le plaisir de discuter d’un thème majeur concernant la conduite autonome en compagnie de Frédéric Roche, Chef de la division digitale d’Audi, et chargé précisément de mettre en place cette fameuse autonomisation croissante des véhicules.
L’intérêt d’Audi dans ce domaine est notamment intellectuel, d’où le fait pour eux de partager leurs réflexions avec des intervenants extérieurs intéressés par ces questions (comme par exemple, conviée elle aussi au voyage, Laurence Devillers, professeur à Paris-Sorbonne et spécialiste de la communication entre robots et humains). Pour Audi, il s’agit ni plus ni moins que de repenser totalement notre rapport aux voitures et aux déplacements sur grande distance, autour de ce que la firme appelle la « 25ème heure ». Ce thème mystérieux se comprend de la manière suivante : dans une journée de 24 heures, nous perdons en moyenne une heure dans les transports lorsque nous utilisons un véhicule personnel. Une heure définitivement perdue, notamment dans les bouchons, car il est alors impossible de travailler ou de s’endormir, et il n’y a aucun plaisir de conduite dans ces circonstances. Il s’agit ici d’une conduite subie et non d’une conduite pour le plaisir. Comment dès lors regagner cette heure perdue, et en quelque sorte rajouter une 25ème heure utile à notre journée ? C’est précisément ce qu’Audi cherche à imaginer. Cette notion d' »utilité » n’est d’ailleurs pas à entendre d’un strict point de vue pratique : celui qui le veut, laissant la voiture conduire à sa place, pourrait certes en profiter pour travailler, mais si l’on imagine un habitacle transformé, il pourrait aussi tourner complètement son siège, regarder le passager assis à l’arrière et décider de jouer avec ses enfants ou de regarder un film, se délasser en suivant un match ou encore déjeuner, se relaxer à l’aide d’un siège massant, etc.
À l’heure actuelle, ce fut un des sujets importants discutés lors de la traversée du tunnel, ce niveau 3 paraît en lui-même contradictoire et source de problèmes multiples. Si en effet toute la conduite est déléguée à la voiture, alors le conducteur devrait en théorie être déchargé de toute responsabilité en cas d’accident. Mais si la conduite est partagée entre lui et la voiture, le conducteur reprenant la main sur certaines phases de conduite, il est moins évident de déterminer précisément si la responsabilité doit être partagée ou laissée entièrement au pilote, même dans les phases où il ne conduit pas directement. L’injonction de ce niveau semble, en effet, contradictoire : d’une part, on invite le conducteur à se détendre, en lui supprimant l’obligation de conduire pendant de longs moments, mais d’un autre côté, on attire l’attention sur le fait que sa vigilance doit de tout même être permanente, sa réaction devant être la plus rapide possible en cas d’imprévu. Cette phase transitoire, on le comprend, est sans doute une des plus critiques concernant la mise en place progressive de l’autonomie des voitures.
A un niveau plus profond, ce seront même des questions morales qui se poseront. La voiture pourra-t-elle décider elle-même la conduite à tenir en cas d’accident inévitable survenant en phase d’autonomie ? Y aura-t-il à ce sujet différentes éthiques suivant les constructeurs automobiles, de même qu’en morale l’éthique de Kant, inflexible, s’oppose à l’éthique des conséquentialistes, variant en fonction des conséquences de l’action? On peut imaginer que l’éthique de BMW par exemple s’oppose par principe à toute blessure d’une personne extérieure au véhicule, au risque de mettre en danger les passagers, tandis que l’éthique d’Audi privilégierait la sécurité des personnes présentes à l’intérieur de l’habitacle, ou bien l’inverse. A moins que la loi n’impose à tous son autorité dans ce domaine également.
Il s’agit on le voit, de manière générale, d’une toute autre manière d’appréhender la conduite dans les années à venir, une manière qui s’invente aujourd’hui. Cela ne pourra se faire de plus qu’en améliorant le confort général. Les voitures autonomes ne pourront et ne devront pas seulement conduire à notre place, mais également, bardées de capteurs, anticiper les obstacles sur le chemin (chaussée dégradée, ralentissements à venir, en étant reliés aux autres véhicules) afin de diminuer le fameux « mal des transports » et développer l’effet « tapis volant », qui rend la promenade en automobile semblable à une glissade indolore, sans à-coups et relaxante.

Lambert Wilson Credit Vincent Billard
Audi faisait donc le pari, en proposant ce lancement original (avec comme ambassadeur de charme l’acteur Lambert Wilson, également convié à faire la traversée du tunnel), que sa vision futuriste saura rivaliser avec les acteurs déjà bien implantés dans ce domaine. L’avenir nous dira s’il s’agit effectivement d’une réussite, mais force est de constater que le conducteur allemand tente vraiment de s’en donner les moyens. De quoi faire réfléchir les acteurs français du secteur, et espérons-le, permettre de faire évoluer au mieux la législation dans ce domaine.
Explication : Il existe 5 niveaux de conduite, du niveau 0 où rien n’est automatique, jusqu’au niveau 5 où la voiture fait tout et où le conducteur n’a plus aucune responsabilité. Du niveau 0 au niveau 2, l’assistance intelligente augmente un peu (par exemple le radar de recul au niveau 1 et le régulateur de vitesse plus la gestion de la distance au niveau 2) mais l’homme reste seul maître à bord. Du niveau 3 au 5, l’intelligence artificielle de la voiture prend progressivement les commandes. Avec ce niveau 3 et le premier scanner laser (LIDAR) installé sur une voiture de série, Audi permet au conducteur de ne plus effectuer certaines manœuvres complexes. Mais il ne peut rester éloigné du volant, et la voiture ne gère pas certaines situations précises (le dépassement par exemple). La législation ne permet pas encore d’utiliser ce niveau en France. Les voitures Tesla circulant aux États-Unis sont également limitées au niveau 2, même si leurs capacités sont déjà nettement supérieures à ce que la loi autorise.
Vincent Billard
Philosophe singulier, proche du transhumanisme, qui ne voit pas uniquement dans la technologie moderne un objet d’angoisse et de malheurs possibles. Plus qu’une simple bienveillance à son égard, il revendique même une sorte de fascination réfléchie pour le merveilleux inédit qu’elle incarne à notre époque. Il a publié sur le sujet trois ouvrages : iPhilosophie, réflexion sur la pensée liée à la marque Apple, Geek philosophie, sur les passionnés de technologie et de mondes imaginaires. Éloge de ma fille bionique, philosophie du handicap, humanisme et transhumanisme.
Communiqué de presse (11/12/17)
#forgetthetime – Une expérience inédite à bord de la nouvelle Audi A8
Paris, le 11 décembre 2017 – « Oubliez la voiture. Vous êtes dans une Audi. » L’Audi A8 ouvre une nouvelle voie en matérialisant cette promesse à travers une expérience inédite : la traversée du tunnel sous la Manche en roulant. Dix Audi A8 profite d’un créneau de traversée exceptionnel au cours duquel des experts échangent sur la thématique de l’Intelligence Artificielle. La journée est aussi l’occasion de révéler le film de la traversée réalisée en Audi A8 avec Lambert Wilson.
Dans des conditions exceptionnelles et en partenariat avec Eurotunnel, dix Audi A8 traversent le tunnel sous la Manche : 50,5 kilomètres dont 38 kilomètres en immersion sous la mer. La traversée d’une heure s’effectue sous le signe de l’inédit et des valeurs portées par Audi. Comme un moment suspendu, cette traversée met en scène les recherches entreprises par Audi sur l’Intelligence Artificielle, sur son projet baptisé la « 25ème Heure » et permet aussi d’expérimenter le confort et la technologie avant-gardiste de la nouvelle A8.
Première voiture de série pensée pour la conduite autonome, l’Audi A8 intègrera, dès que la législation l’autorisera, les systèmes innovants AI (Audi Intelligence). Ces derniers soulageront la pression qui pèse sur le conducteur tout en lui permettant d’optimiser le temps passé dans son véhicule. Libéré de l’obligation de conduire, le conducteur aura les mains et l’esprit libres, se dégageant ainsi 1h par jour en moyenne : la « 25ème Heure ». L’Audi A8 devient un véritable lieu de travail, de loisir ou de détente.
A bord de ce convoi hors norme, des invités de marques, journalistes, influenceurs et experts expérimentent cette « 25ème Heure » en échangeant sur les questions d’avenir que pose le développement de l’Intelligence Artificielle (l’optimisation du temps, la ville intelligente, la communication car to X…). Marc Meurer, Directeur Audi France, a l’honneur d’accueillir à bord, Laurence Devillers Professeure à l’université Paris-Sorbonne et chercheuse au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur du CNRS, Yann Lechelle, entrepreneur et innovateur du numérique, Vincent Billard, Professeur de Philosophie et spécialiste de la technologie contemporaine et John Keefe, Directeur des affaires publiques du groupe Eurotunnel.
L’événement produit par l’agence Double2, permet d’activer une mécanique unique de production de contenu social, varié et ciblé. Les conversations croisées, à bord de la nouvelle Audi A8, filmées lors de la traversée, seront restituées sur les réseaux sociaux Audi France ainsi que le court métrage #forgetthetime mettant en scène Lambert Wilson.