Dépasser l’humain, une étonnante aspiration contemporaine
Philo & Cie – mai-août 2016, Nicolas Le Dévédec
Que les fans de The Walking Dead se préparent, bientôt peut-être les morts-vivants ne peupleront plus seulement nos écrans. C’est du moins ce que laisse entendre l’entreprise de biotechnologies américaine Bioquark dont l’ambition est de développer une technologie capable de ranimer les morts. Baptisé ReAnima, ce projet vise en effet à établir s’il est possible ou non de régénérer le système nerveux humain en testant le cerveau de personnes en état de mort cérébrale dans le but de les ramener à la vie. L’entreprise a d’ores et déjà reçu l’autorisation éthique de mener ses essais cliniques en Inde sur une vingtaine de patients en état de mort cérébrale. Aussi fantasmagorique qu’il puisse paraître, ce projet rejoint une ambition beaucoup plus générale poursuivie aujourd’hui par de nombreux scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs, celle de dépasser techniquement l’être humain et les potentialités du corps humain, celle de contrôler techniquement tous les paramètres de la vie, du cerveau, des émotions, de la mort. En 1950, dans « Ce qu’est et comment se détermine la phusis chez Aristote », Martin Heidegger le pressentait déjà : « Parfois on dirait que l’humanité moderne fonce vers ce but : que l’homme se produise lui-même techniquement [ … ]. » Se fabriquer soi-même en s’affranchissant de toutes les limites biologiques grâce aux avancées technoscientifiques et biomédicales, voilà une étonnante aspiration contemporaine.
Par cette volonté acharnée d’optimiser le corps et ses performances comme on fait fructifier n’importe quelle forme de capital, le transhumanisme est entièrement en phase avec l’esprit du capitalisme. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le mouvement bénéficie du soutien de géants économiques tels que Google ou Paypal. Le marché de l’enhancement et de l’immortalité s’annonce des plus lucratifs et l’homme augmenté sied parfaitement à la société de marché.
Figaro : Fin des Lumières : bienvenue dans le meilleur des mondes transhumanistes, par Nicolas Le Dévédec
Google ou PayPal investissent des milliards de dollars dans le «transhumanisme». Pour Nicolas Le Dévédec, ce projet, dont on perçoit les premiers effets sociaux et économiques, bouleverse la conception de l’homme héritée des Lumières.