Mi-homme mi-bête : l’humanisation de la bête et la déshumanisation de l’homme
En juillet dernier, un jour après la publication d’un rapport de l’Académie des sciences médicales de Grande-Bretagne stipulant le besoin de meilleures lois sur la création et la protection d’animaux possédant des gènes, du tissu ou des cellules humaines, la presse anglo-saxonne révélait que 150 embryons hybrides animal-humain ont été créés durant ces trois dernières années. Certains scientifiques justifient leurs expériences en promettant des bénéfices thérapeutiques pour l’être humain, une meilleure compréhension du rôle de certains gènes et le développement de médicaments. En modifiant l’animal pour le rendre plus humain, il serait possible de mieux comprendre certaines maladies. D’autres redoutent que la science-fiction devienne réalité par la création d’un monde similaire à la Planète des singes ou à L’île du docteur Moreau. Que se passerait-il si des cellules souches humaines étaient implantées dans le cerveau de primates ?
On peut applaudir l’effort de la Grande-Bretagne qui cherche à réguler ces pratiques, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. En Suisse, la loi sur la recherche animale, qui veille sur leur bien-être et leur dignité, est l’une des plus strictes au monde. Les animaux peuvent être utilisés uniquement en cas de nécessité absolue, par exemple des expériences sur des souris transgéniques pour combattre l’Alzheimer. De plus, selon l’article 119 de notre constitution, il est interdit de fusionner du matériel génétique non humain avec le patrimoine humain : «le patrimoine génétique et germinal non humain ne peut être ni transféré dans le patrimoine germinal humain ni fusionné avec celui-ci».
Nous pouvons nous réjouir des recherches scientifiques sur les animaux qui aident à combattre certaines maladies. Cependant, les lois et l’éthique de l’humanisation de l’animal nécessitent un continuel débat. De plus, cela soulève une question encore plus importante : qu’en sera-t-il de l’«animalisation» de l’être humain ? Considérant que ce que l’on expérimente sur l’animal peut être ensuite expérimenté sur l’homme, qu’adviendra-t-il de notre humanité lorsque certains «progrès» scientifiques seront adaptés sur l’homme. Depuis les années 80, nous pouvons transférer des gènes d’une espèce à une autre. Certains singes ont été modifiés génétiquement pour briller dans la nuit, grâce à un gène de méduse. Des souris «Schwarzenegger» dont les muscles ne se détériorent pas avec l’âge, nous promettent non seulement de soigner des maladies musculaires, mais également l’amélioration des muscles de personnes en bonne santé. Certaines tortues et certains poissons ne subissant pas les effets du vieillissement inspirent le travail de certains scientifiques pour stopper le vieillissement chez l’être humain.
Certains penseurs techno-scientifiques nous promettent la création d’une nouvelle espèce descendant d’Homo sapiens : le post-humain. L’évolution darwinienne étant aveugle et cruelle, le post-humain décidera de sa propre évolution avec les progrès génétiques et technologiques. Hollywood l’a bien compris et regorge d’histoires où Homo sapiens rencontre le post-humain : X-men, Heroes, Splice, Surrogate, Terminator, Avatar. Bien que nous puissions être reconnaissants des progrès de la science, l’imagination hollywoodienne nous incite à nous demander si l’évolution vers le post-humain sera une véritable amélioration pour notre humanité ou sa propre déshumanisation.
Johann A. R. Roduit
Institute of Biomedical Ethics
Pestalozzistrasse 24, 8032 Zürich