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Intelligence Artificielle : arrêtez la supercherie !

Pas un seul jour ne passe sans voir une actualité fracassante au sujet de l’Intelligence Artificielle : « Comment l’Intelligence Artificielle bouscule les entreprises », « L’Intelligence Artificielle entre dans la pub » ou encore « Comment l’Intelligence Artificielle va prédire la date de votre mort ». Si nous nous arrêtons aux titres alléchants de ces papiers, nous pouvons avoir l’impression que nous vivons déjà avec les robots imaginés par Steven Spielberg et que je vais retrouver HAL 9000 en rentrant chez moi ce soir ! Malheureusement, il n’en est rien. Pour aller droit au but, ce que tout le monde appelle aujourd’hui « Intelligence Artificielle » n’est en réalité qu’un programme informatique cognitif assigné à une ou plusieurs tâches préalablement définies.

Dans son ouvrage « L’Intelligence Artificielle n’existe pas », Luc Julia exprime l’idée d’une Intelligence Augmentée et réfute, à juste titre, le terme d’Intelligence Artificielle. Au-delà de l’admiration que j’ai pour le parcours de Luc Julia, je n’en suis pas pour autant un apôtre de sa pensée et de sa vision du futur. Néanmoins, si nous considérons les algorithmes actuels comme intelligents alors que laissons nous à notre intelligence humaine ? Sommes-nous tous des Einstein qui s’ignorent ?

Cette effervescence autour de l’ « IA » a été provoquée en partie par l’émancipation du Deep Learning qui est l’une des plus grandes avancées en la matière depuis le 2ème hiver de l’IA qui a pris fin en 1993. Or, de nombreux spécialistes craignent un 3ème hiver qui pourrait être, entre autre, le résultat d’une forte phobie autour de l’IA : les méchants robots vont éradiquer l’espèce humaine ou nous dépouiller de nos emplois dans la prochaine décennie. En effet, la peur ou le désintérêt du public pourrait désengager un grand nombre de budgets et freiner drastiquement la recherche. Pour ma part, je pense que c’est l’effroyable ignorance et la spéculation autour du principe d’Intelligence Artificielle qui va provoquer cette 3ème saison hivernale. Nous nous dirigeons tout droit vers l’explosion d’une bulle qui résulte d’un mirage technologique et fantasmagorique mis sur pied par des acteurs peu scrupuleux.

Le fantasme. Jeu d’échecs, Jeu de Go, Jeopardy! … vous avez surement entendu parlé des prouesses de la machine face à l’homme lors des duels à ces jeux de stratégie et de culture générale ? Beaucoup de personnes ont vu à travers ces victoires la domination intellectuelle de la machine sur l’homme, mais il n’en est rien.

Demandez à ces mêmes machines de différencier une souris d’un éléphant sur une photo, vous serez bien déçu par le résultat si tant est qu’elles soient en mesure d’en fournir un. Elles sont programmées pour exécuter une tâche bien précise et ça s’arrête là ! Nous sommes encore bien loin de la singularité technologique.

La spéculation. 40% des start-ups européennes de l’IA revendiquent une technologie qui en réalité n’existe pas dans leur solution. Elles bernent ainsi les investisseurs inexpérimentés, le moyen idéal de fragiliser la confiance du marché dans les années à venir. Au-delà des start-ups, il y a aussi les cabinets de conseil qui utilisent l’IA comme un argument marketing et roulent leurs clients dans la farine en agitant le spectre de la technologie révolutionnaire qui va transcender leur business. Dans le cadre de mon activité professionnelle, vous n’imaginez pas le nombre de décideurs hypnotisés que je peux croiser. Ils sont convaincus qu’ils doivent produire de l’IA à l’horizon 2020 sans comprendre quoique ce soit. Ils n’ont aucune idée des investissements et des enjeux que ça représente. Ils veulent être dans le coup et faire le buzz, c’est la triste réalité dans laquelle ils sont enfermés.

L’ignorance. Elle se révèle notamment quand nous voyons passer des articles comme « L’IA d’Amazon est sexiste » ou encore « L’IA de Microsoft est raciste ». Je vous l’accorde une fois de plus, les titres sont accrocheurs et alimentent encore plus de fantasmes, un excellent moyen de faire un peu de buzz. Cependant, comment un algorithme développé par un humain peut décider, tout seul, de devenir raciste ou sexiste ? Vous en conviendrez, s’il y avait là la moindre trace d’Intelligence dans ces programmes, cette situation n’aurait pas lieu d’être. En outre, la machine n’ayant en réalité aucune notion native de race ou de sexe, cela ne peut venir que du concepteur ou de la donnée qui alimente le programme, elle aussi, définit par un humain. Malheureusement, certains médias ne cherchent plus à comprendre le sens de l’innovation, ils veulent seulement l’audience qui génère des revenus.

L’Intelligence Artificielle est la technologie qui va marquer notre siècle comme un grand tournant de notre civilisation. Imaginez, peu importe la forme que vous souhaitez lui associer, une entité artificielle capable de ressentir des émotions, de réfléchir à des problématiques dont nous n’avons pas idée aujourd’hui, de prendre des initiatives qu’elle considérera être pour le bien commun … ce serait « un bond de géant pour l’humanité ».

Continuons aujourd’hui de développer, d’optimiser et de déployer des programmes cognitifs capables d’assister les humains. Continuons de façonner cette Intelligence embryonnaire et de la démocratiser pas à pas. Toutefois, par pitié, arrêtons la supercherie qui consiste à faire peur au public néophyte pour vendre du papier et à abuser de la crédulité des entreprises et des investisseurs pour faire du fric facile.

De nombreux chercheurs travaillent activement sur les différents chantiers de la « véritable » Intelligence Artificielle qui promet un avenir meilleur aux générations futures. Ne gâchons pas tout par égocentrisme, orgueil et avarice comme nous l’avons fait pour notre environnement !

Fabrice Nabet


Fabrice Nabet est Directeur Conseil et Stratégie dans le domaine de l’innovation. Il accompagne plus particulièrement les entreprises sur les sujets liés à la Data et aux dispositifs digitaux cognitifs. Passionné par les enjeux et impacts des nouvelles technologies sur notre civilisation, il remet sans cesse en question les prospectives concernant l’Intelligence Artificielle et le Transhumanisme. Convaincu que nous vivons actuellement la grande mutation du siècle qui va dessiner l’avenir de l’humanité, il s’attelle à imaginer et proposer des perspectives différentes sur l’usage des technologies.

1 Comment »

  1. Oui, les systèmes experts sont des IA faibles et non des IAG avec un intelligence comparable à l’humain. Seul les gens qui n’ont pas fait un peu d’effort de documentation sur le sujet croient le contraire. On peut douter que ce genre d’individu soit un professionnel de l’investissement et on ne s’étonnera pas que des investisseurs amateurs perdent leur chemise quand ils tendent de « trader », ce qui est la norme quel que soit leur domaine sur lequel ils se concentrent.

    Pour ce qui est des IA germes raciste ou sexiste, elles n’ont effectivement pas décidé de l’être puisque personne ne décide sa personnalité. Une IA germe est, concrètement, un superlogiciel de copiage et elles reproduisent les comportements de leurs développeurs. Quand ceux-ci sont racistes et sexistes, l’IA germe reproduit (bêtement/comme un enfant) leurs mauvais comportements. C’est ce qu’on appelle le biais numérique. Le problème n’est pas la raison pour laquelle les IA germe ou système expert opérationnel présente ce défaut: c’est qu’il le présente et que ce n’est pas forcément accidentel.

    Néanmoins, il est vrai que le développement des hautes technologies est face à un problème. Pour attirer les investisseurs, il faut faire le buzz car la fascination des masses pour la technologie promotionnée génère une perspective d’investissement. Or, faute de pouvoir répondre aux attentes assez vites, les entrepreneurs finissent pas lasser les investisseurs qui vont s’orienter vers des projets plus lucratifs. Ce n’est pas spécifique aux IA: les biotechnologies connaissent le même sort. Le problème fondamental de l’IA, c’est que les systèmes experts ne sont ni indispensables, ni clairement utile à la survie et aux biens-être des masses. Celles qui font l’objet des efforts les plus soutenus ont soit une vocation autoritaire, soit la vocation de permettre à des entreprises de se débarasser des salariés ou du contrôle étatique. Les IAG, on n’en parle même pas.

    J’ai posé plusieurs fois la question et je la repose encore: Quel type d’IA seraient utiles aux électeurs d’un Etat eudémonique et démocratique? Il est facile d’éluder ma réponse mais le silence est une réponse tacite qui démontre que l’IA n’a aucun avenir. Ce n’est pas un drame: cela réorientera l’intérêt du marché et des foules vers la culture de greffon et le développement de la biomécatronique. L’IA peut attendre.

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