Disparition de cellules cancéreuses chez deux nourrissons traités par des lymphocytes T génétiquement modifiés
Un traitement immédiatement disponible pour lutter contre le cancer pourrait avoir été découvert.
Deux nourrissons atteints de leucémie sont en phase de rémission grâce à un traitement inédit utilisant des lymphocytes T génétiquement modifiés issus de donneurs sains. Les patients anglais ont reçu un premier traitement en 2015, après une chimiothérapie infructueuse. Aujourd’hui, soit deux ans plus tard, on ne décèle plus aucune cellule cancéreuse chez ces personnes.
Si un tel succès est observé lors de futurs essais cliniques, le traitement pourrait constituer un moyen peu onéreux, et accessible à tous, de lutter contre le cancer, sans avoir besoin de créer des lymphocytes T spécifiques pour chaque patient.
« Cette application d’une technologie émergente a démontré le potentiel des thérapies utilisant des cellules génétiquement modifiées (édition de gènes – gene-editing). Toutefois, il faut rester prudent à ce stade de l’étude puisque le résultat n’est fondé que sur les cas de deux nourrissons » indique l’équipe du London’s Great Ormond Street Hospital.
Les nourrissons, âgés respectivement de 11 et 16 mois au début du nouveau traitement, avaient été traités par chimiothérapie pour combattre la leucémie. Les traitements par chimiothérapie avaient échoués, et l’on avait prévenu leurs parents qu’ils devaient se préparer au pire. Sans aucune autre option disponible, les médecins du London’s Great Ormond Street Hospital ont tenté un nouveau protocole : injecter aux nourrissons des lymphocytes T génétiquement modifiés – connus sous le nom de récepteur antigène chimérique ou lymphocyte T-CAR* (ou Récepteur Antigénique Chimérique) – provenant de donneurs sains. [* Les CAR-T cells ou lymphocytes CAR-T fabriquent un récepteur (CAR) ayant pour cible une protéine. Information tirée de Sciences et Avenir].
« Je ne voulais plus revivre la déception d’une chimiothérapie. Je préférais que ma fille puisse bénéficier de quelque chose de nouveau et j’ai pris le risque » a expliqué Ashleigh Richards, père d’une des deux petites, Layla Richards (photo ci-dessus), à James Gallagher à la BBC, peu de temps après les traitements en 2015.
« Et la voilà aujourd’hui qui rigole et gigote. Elle était si faible avant le traitement, c’était affreux et je suis tellement reconnaissant de cette opportunité ».
Les lymphocytes T sont un type de cellules du sang qui s’attaquent et détruisent les cellules infectées dans le corps, y compris les cellules cancéreuses. Malheureusement, les lymphocytes T de l’organisme ne sont pas toujours à la hauteur lorsqu’il s’agit d’identifier et de détruire toutes les cellules cancéreuses, en particulier si ces dernières se développent très vite.
Par le passé, il y a eu des tentatives visant à améliorer la capacité des lymphocytes T à chercher précisément et détruire des cellules cancéreuses. L’un des moyens qui a remporté le plus de succès implique que les médecins prélèvent les lymphocytes T d’un patient, les modifient génétiquement pour améliorer leur capacité à cibler les cellules errantes, et les réinjectent dans le corps du patient, où elles se reproduisent et constituent une armée plus dynamique. Mais tous les patients ne disposent pas d’une quantité suffisante de cellules saines pour que cela fonctionne.
Ce nouveau traitement, contrairement aux autres, ne nécessite pas de prélever les lymphocytes T du patient. Cela signifie que les médecins pourraient rapidement disposer de traitements génétiquement développés et prêts à l’utilisation dès que le cancer est diagnostiqué, plutôt que d’avoir à attendre que les lymphocytes T du patient soient modifiés.
« Si l’on regarde cinq mois en arrière, ce que nous vivons aujourd’hui est inouï, mais cela ne signifie pas que nous avons résolu le problème » a reconnu Paul Veys, membre de l’équipe du University College London, lors d’un entretien avec la BBC en 2015.
“Le seul moyen de savoir si nous avons découvert un traitement efficace est d’attendre cette année ou les deux prochaines, mais rien que d’être parvenu à ce stade constitue déjà une très grande avancée ».
Deux années se sont écoulées, et les deux enfants sont toujours en rémission, ce qui suggère que jusqu’ici, le traitement porte ses fruits.
Il est important de noter que le traitement n’a été testé que sur deux patients. Il est donc nécessaire d’effectuer d’autres essais sur un panel plus conséquent de patients avant que ce traitement puisse être largement mis à disposition d’autres malades. Mais c’est excitant de voir les résultats obtenus jusqu’ici, en particulier lorsqu’il s’agit de sauver la vie de deux bébés.
En plus de l’apparent succès de ce protocole, disposer d’un traitement rapidement disponible serait incroyablement moins onéreux que de modifier génétiquement les lymphocytes T d’un patient. Ce nouveau protocole impliquerait d’utiliser le sang de donneurs pour créer des lots de lymphocytes T-CAR qui pourraient être congelés et distribués par doses.
« Nous estimons que le coût de production d’une dose serait d’environ 4000 US$ » a déclaré Julianne Smith, développeuse des CAR-T pour la compagnie pharmaceutique Cellectis qui développe des immunothérapies contre le cancer, dans un article paru dans la MIT Technology Review.
Smith, qui n’avait pas participé à l’étude, explique qu’utiliser les propres lymphocytes T d’un patient coûte à peu près 50.000 US$ la dose, ce qui rend le nouveau traitement considérablement plus abordable.
Espérons-le, avec la poursuite de ces recherches, d’autres médecins vont pouvoir tester le traitement développé par l’équipe. S’il est efficace, ce dernier pourrait être utilisé dans les hôpitaux du monde entier. Mais seul le temps pourra nous le dire.
Les travaux de l’équipe ont été publiés dans Science Translational Medicine.
traduction Virginie Bouetel