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Souveraineté technologique : la France face à Palantir

La France face à Palantir : une stratégie de souveraineté technologique avec Artemis.IA, GenIAl.intradef et Comand AI

L’annonce, en mars 2025, de l’acquisition par l’OTAN du Maven Smart System NATO (MSS NATO) de Palantir Technologies a sonné comme un électrochoc pour la France. Ce contrat, qui dote l’Alliance atlantique d’une plateforme d’intelligence artificielle de pointe, met en lumière la domination technologique américaine dans le domaine militaire. Mais la France ne reste pas les bras croisés. Fidèle à son ambition de souveraineté technologique, elle mise sur trois projets phares : Artemis.IA, GenIAl.intradef et la jeune pousse Comand AI. Ce dernier, en particulier, affiche l’ambition audacieuse de rivaliser avec Palantir. Quelles sont les capacités techniques de ces initiatives ? Et, face au retard accumulé par la France en matière d’IA militaire, Comand AI peut-il réellement tenir tête au géant américain ?

La stratégie française : un triptyque pour l’autonomie

Depuis 2017, la France a fait de l’IA un pilier de sa stratégie de défense, avec l’objectif de réduire sa dépendance aux technologies étrangères, notamment américaines. La signature du contrat entre l’OTAN et Palantir, finalisé en seulement six mois, a renforcé cette urgence. Pour contrer cette hégémonie, la France s’appuie sur un triptyque : Artemis.IA pour poser les fondations d’une infrastructure souveraine, GenIAl.intradef pour outiller les agents du ministère des Armées, et Comand AI, une start-up qui vise à bousculer les géants en misant sur l’agilité et l’adaptation aux besoins opérationnels européens. Ensemble, ces projets forment une réponse structurée, mais leur succès dépendra de leur capacité à surmonter les défis techniques et industriels.

Artemis.IA : le socle de la souveraineté numérique

Lancé en 2017 par le ministère des Armées, Artemis.IA (Architecture de Traitement et d’Exploitation Massive de l’Information et Intelligence Artificielle) est un programme ambitieux visant à créer une plateforme souveraine de traitement de données massives et d’IA. Développé par Athea, une coentreprise entre Thales et Atos, Artemis.IA est conçu pour exploiter les flux colossaux de données issus de capteurs militaires – satellites, drones, systèmes de renseignement – tout en garantissant leur sécurité et leur confidentialité.

Capacités techniques :

    • Traitement multi-source : Artemis.IA agrège des données hétérogènes (images, signaux, textes) et les traite via des algorithmes d’IA, notamment pour le renseignement et la surveillance maritime. Sa modularité permet d’intégrer de nouvelles applications, comme la cybersécurité ou la maintenance prédictive.
    • Sécurité renforcée : La plateforme gère des données à différents niveaux de classification, avec des protocoles de sécurité adaptés aux environnements militaires sensibles. Elle peut fonctionner sur des réseaux isolés ou embarqués, une exigence absente du secteur civil.
    • Infrastructure souveraine : Hébergée sur des serveurs français, Artemis.IA utilise des supercalculateurs comme Jean Zay (36,85 pétaflops) pour entraîner ses modèles IA, réduisant la dépendance aux clouds étrangers comme AWS ou Azure.

En 2022, la phase finale d’Artemis.IA a été validée, avec un déploiement opérationnel prévu pour 2023. Le programme, doté d’un budget annuel moyen de 100 millions d’euros, vise à devenir le socle numérique des forces armées françaises, mais son adoption reste progressive, freinée par la complexité d’intégration et des retards bureaucratiques.

GenIAl.intradef : l’IA au service des agents

GenIAl.intradef est un projet plus récent, destiné à doter les agents du ministère des Armées d’outils IA pour leurs tâches quotidiennes. Moins connu qu’Artemis.IA, il s’inscrit dans la transformation numérique de la défense française, avec un focus sur l’automatisation et l’assistance décisionnelle au niveau administratif et opérationnel. Les détails techniques restent peu publics, mais des posts sur X et des sources indirectes permettent d’esquisser ses contours.

Capacités techniques :

  • Automatisation des processus : GenIAl.intradef utilise des modèles d’IA, notamment des grands modèles de langage (LLM), pour automatiser des tâches comme la rédaction de rapports, la gestion logistique ou l’analyse de documents internes.
  • Interfaces utilisateur intuitives : Conçu pour les non-spécialistes, le système propose des interfaces simplifiées, permettant aux agents de poser des questions en langage naturel et d’obtenir des analyses rapides.
  • Interopérabilité limitée : Contrairement à Artemis.IA, GenIAl.intradef est principalement destiné à un usage interne au ministère, avec une portée moins stratégique. Il s’appuie sur des infrastructures françaises, mais son intégration avec des systèmes alliés reste embryonnaire.

GenIAl.intradef est un outil pragmatique, mais son ambition est modeste comparée à celle d’Artemis.IA ou de solutions comme le MSS NATO. Il répond à des besoins immédiats, mais ne vise pas à concurrencer directement les plateformes globales de Palantir.

France souveraineté technologique IA

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Comand AI : l’outsider qui défie Palantir

Fondée en 2023 par Loïc Mougeolle (ex-Naval Group) et Antoine Chassang (ex-Snapchat), Comand AI est une start-up française qui ambitionne de révolutionner la prise de décision militaire avec sa plateforme Prevail. Soutenue par une levée de fonds de 8,5 millions d’euros en décembre 2024, menée par Eurazeo, Comand AI se positionne comme un concurrent direct de Palantir, en misant sur des solutions sur mesure pour les armées européennes.

Capacités techniques :

    • Simulations tactiques : Prevail intègre des agents IA entraînés sur des modèles open-source, capables de simuler des scénarios militaires à grande échelle (par exemple, une opération régionale comme en Ukraine). Ces agents analysent des ordres opérationnels, des données de terrain (terrain, ennemis) et des flux en temps réel pour produire des plans d’action.
    • Prise de décision accélérée : Comand AI revendique une réduction par quatre du temps de décision des commandants, grâce à une interface optimisée pour les officiers et une focalisation sur les workflows militaires. Contrairement aux plateformes génériques de Palantir, Prevail est conçu dès l’origine pour le commandement opérationnel.
    • Fonctionnement en environnement dégradé : Prevail peut opérer dans des zones sans communication, un atout crucial pour les théâtres d’opérations isolés. Les modèles sont optimisés pour des plateformes embarquées, réduisant la dépendance aux infrastructures cloud.
    • Équipe expérimentée : Comand AI recrute des talents issus de Palantir et OpenAI, ainsi que des experts militaires comme Arnaud Valli (ex-OTAN). Cette mixité garantit une compréhension fine des besoins opérationnels et technologiques.

Comand AI a déjà signé des contrats avec l’Allemagne et l’armée de terre française, qui a testé Prevail lors d’un exercice à Saumur. La version finale est attendue pour l’été 2025, avec des ambitions d’expansion dans d’autres pays de l’OTAN et de l’UE.

Comand AI peut-il rivaliser avec Palantir ?

Palantir, avec son Maven Smart System, domine le marché grâce à une maturité technologique et une présence mondiale inégalées. Le MSS NATO, déjà déployé par les forces américaines et adopté par l’OTAN, excelle dans la fusion de données, l’intelligence artificielle avancée (LLM, IA générative, machine learning) et une architecture ouverte permettant des personnalisations. Palantir bénéficie également d’un écosystème financier robuste, avec des contrats massifs (480 millions de dollars avec le Pentagone, par exemple) et une capitalisation boursière qui a grimpé de 6 % après l’annonce de l’OTAN.

En comparaison, la France accuse un retard structurel. Malgré des investissements conséquents – 10 milliards d’euros prévus pour l’IA militaire d’ici 2030 – l’écosystème français reste fragmenté. Les grands groupes comme Thales ou Atos peinent à rivaliser avec la vitesse d’innovation des géants américains, tandis que les start-ups, bien que dynamiques, manquent de ressources pour scaler rapidement. La dépendance aux supercalculateurs comme Jean Zay, bien que performants, limite l’accès à une puissance de calcul comparable à celle des clouds américains.

Les atouts de Comand AI :

    • Agilité : En tant que start-up, Comand AI peut pivoter rapidement pour répondre aux besoins spécifiques des armées européennes, contrairement aux plateformes complexes de Palantir, parfois perçues comme trop généralistes.
    • Spécialisation : Prevail est conçu pour les officiers sur le terrain, avec une ergonomie adaptée et une focalisation sur le commandement, là où Palantir propose une solution plus large, intégrant des usages civils et militaires.
    • Souveraineté : En s’appuyant sur des technologies open-source et des infrastructures européennes, Comand AI évite les risques liés à la dépendance aux technologies américaines, un argument de poids pour les gouvernements européens.

Les défis :

    • Échelle : Avec une équipe de seulement 20 personnes et un budget de 8,5 millions d’euros, Comand AI est loin des ressources de Palantir, qui emploie des milliers de développeurs et bénéficie de contrats à neuf chiffres.
    • Maturité : Prevail est encore en phase de développement, avec une commercialisation prévue pour 2025, alors que le MSS NATO est déjà opérationnel. Ce décalage temporel pourrait freiner son adoption.
    • Compétition interne : Artemis.IA et GenIAl.intradef, bien que complémentaires, absorbent une part significative des financements français, risquant de diluer les ressources allouées à Comand AI.

Comand AI a une carte à jouer, notamment grâce à sa spécialisation et à son ancrage européen. Cependant, rivaliser avec Palantir nécessitera un soutien massif du gouvernement français et de l’UE, ainsi qu’une capacité à attirer des talents et à scaler rapidement. Les tests réussis avec l’armée française et l’Allemagne sont encourageants, mais la start-up devra prouver sa robustesse face à des scénarios opérationnels complexes.

Une course contre la montre

La stratégie française, portée par Artemis.IA, GenIAl.intradef et Comand AI, est une réponse ambitieuse à la domination de Palantir et des technologies américaines. Artemis.IA pose les bases d’une infrastructure souveraine, GenIAl.intradef facilite la transformation numérique interne, et Comand AI incarne l’espoir d’une alternative agile et adaptée aux besoins européens. Mais le retard accumulé par la France, tant en termes de financement que d’écosystème industriel, reste un obstacle majeur.

Pour que Comand AI devienne un véritable concurrent de Palantir, la France devra accélérer ses investissements, harmoniser ses initiatives et renforcer ses partenariats avec l’UE et l’OTAN. Le sommet AI Action de Paris, en février 2025, a souligné l’importance d’une “troisième voie” en IA, portée par des alliances internationales. La France, avec des acteurs comme Comand AI, a l’opportunité de s’imposer comme un leader de cette voie, mais le chemin sera semé d’embûches. Une chose est sûre : dans cette course technologique, chaque seconde compte.

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