Suivant l’engouement pour l’édition génétique, une startup prétend pouvoir éditer sans CRISPR
Homology Medicines a recueilli 127 millions de dollars – et a soulevé un peu de scepticisme.
Selon Technology Review, la jeune entreprise Homology Medicines affirme pouvoir éditer les gènes sans avoir recours au système CRISPR, recueillant même 127 millions de dollars pour la mise au point de traitements reposant sur cette idée. Pour ce faire, la société utiliserait des virus capables de réparer les gènes humains. Si c’est vrai, elle aurait alors trouvé la manière la plus simple et la plus sûre à ce jour de modifier les gènes du corps humain, et ce, sans avoir à couper l’ADN.
Mais les scientifiques sont sceptiques. Plusieurs croient que les propos d’Homology Medicines sont probablement erronés.
« Ce qui est surprenant, c’est que cette entreprise ait pu amasser tant d’argent pour une chose considérée fausse dans la communauté scientifique », s’étonne David Russell, chercheur à l’Université de Washington à Seattle. « Je crois que c’est simplement le résultat d’un certain engouement à l’égard de l’édition génétique. »
Toujours selon Technology Review, Homology Medicines prétend pouvoir éditer les gènes sans ajouter de nucléase, et donc, sans briser le brin d’ADN. Russell lui-même a été le premier à démontrer le phénomène en 1998. Lorsqu’un brin d’ADN délivré par un virus correspond étroitement à un gène donné, il peut parfois permuter à sa place au moment de la division cellulaire, permettant ainsi qu’une mutation soit remplacée par une séquence appropriée.
Le problème est que de telles réparations induites par virus se produisent très rarement et sont le fruit du hasard. Ce processus est par ailleurs encore mal compris. Pour certains types de cellules, une seule cellule sur mille ne sera jamais éditée, ajoute Tech Review.
Homology Medicines affirme avoir trouvé le moyen d’améliorer le processus et a présenté ses données lors de récentes conférences. Mais pour Russell et plusieurs autres chercheurs, ces résultats sont trop beaux pour être vrais. « Nous étions nombreux dans le public à ne pas être convaincus que les données présentées confirmaient bien leurs résultats », rapporte Matthew Porteus, spécialiste de l’édition génétique à l’Université Stanford travaillant sur le CRISPR, présent à la conférence.
Les investisseurs ayant manqué leur chance avec le CRISPR étaient particulièrement désireux de prendre part à l’action. Parmi eux, 5AM Ventures et ARCH Venture Partners, deux groupes de capital-risque bien connus. Les efforts déployés par MIT Technology Review pour rejoindre les partenaires des deux fonds n’ont jamais abouti.
Stephen Elledge, spécialiste en réparation de l’ADN à l’Université Harvard, embauché par Homology Medicines à titre de conseiller scientifique, convient qu’il y a des questions en suspens. « On ne sait pas très bien ce qu’ils ont trouvé pour obtenir leurs résultats », dit-il. « Ils introduisent peut-être de l’ADN supplémentaire, ou ça a peut-être un lien avec le virus. Ce n’est pas clair. Mais j’ai vu une partie de leurs données, et j’ai été impressionné. »
« Homology Medicines poursuit ses recherches en laboratoire pour confirmer et étendre ses résultats », dit Arthur Tzianabos, PDG de la société. « Il y a toujours une part de scepticisme face à quelque chose de nouveau, et ce que nous faisons est très nouveau. Je reconnais qu’il s’agit d’une technologie tout à fait nouvelle issue d’un laboratoire universitaire. Notre travail consiste à industrialiser le processus. »
Pour sa part, Saswati Chatterjee, cofondatrice de l’entreprise, a soumis les données détaillées de son laboratoire aux fins de publication, et affirme que celles-ci devraient bientôt dissiper les doutes. « Rien ne permet d’affirmer que nos résultats sont erronés », dit-elle.
traduction Mathieu Lepage