Deux minutes trente avant minuit… Global Challenges Foundation et les « risques » de catastrophe globale
« Nous avons tendance à regarder ce qui confirme notre savoir, non notre ignorance. »
Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir. La puissance de l’imprévisible
Alors que l’Horloge conceptuelle de l’Apocalypse, comme une mise en garde, se rapproche dangereusement de minuit1, Global Challenges Foundation publiait, en mai dernier, son troisième rapport sur les risques de catastrophe globale (Global Catastrophic Risks). Catastrophisme ?
Créée en 2008, à l’initiative de l’homme d’affaires László Szombatfalvy2, Global Challenges Foundation, basée à Stockholm, a pour objectif de rendre accessible la dynamique des périls anthropiques (liés à l’action humaine) et naturels qui menacent l’humanité dans sa globalité (points de basculement, boucles de rétroaction, interconnections globales).
Il s’agit surtout de stimuler une proactivité, c’est-à-dire anticiper des réponses, afin d’assurer un meilleur futur à tous.
D’après un sondage réalisé dans 8 pays par Global Challenges Foundation sur la perception des risques globaux et les institutions susceptibles d’y répondre, 61 % des gens interrogés considèrent le monde plus dangereux qu’il y a deux ans. Un quart (27 %) estime qu’il est beaucoup plus dangereux. Les armes de destructions massives sont pensées comme le risque le plus préoccupant (62 %). Le réchauffement climatique arrive en troisième position avec 57 %. Huit adultes sur 10 (85 %) pensent que les Nations Unies devraient être réformées pour mieux répondre aux risques globaux.
Outre les armes de destruction massive nucléaires, biologiques et chimiques, le changement climatique et l’effondrement écologique, ce rapport aborde, parmi les risques anthropiques émergeants, la géo-ingénierie (manipulation et modification artificielles du climat et de l’environnement), la nanotechnologie, l’intelligence artificielle telle que nous la connaissons et l’intelligence artificielle « générale », si elle advient un jour.
Considérant les risques naturels, les auteurs focalisent leur attention sur les super éruptions volcaniques (type Yellowstone) et leurs répercussions climatiques, l’impact d’un astéroïde et les pandémies globales avec des virus candidats comme Ebola, Zika, etc.
Paradoxal en apparence, parce que non rétrospectifs, les risques encore inconnus sont aussi envisagés et particulièrement ceux liés à l’action humaine. Un risque qui, selon les auteurs, à partir du connu, pourrait provenir de l’intrication profonde de nos sociétés avec la technologie mais aussi du développement rapide de technologies nées de combinaisons nouvelles qui prendraient de court nos mécanismes de gouvernance. Sans relief, dépolitisé (les responsabilités ne sont pas pointées), ce rapport apporte néanmoins une connaissance apte à fertiliser les esprits.
Dérisoire en apparence, Global Challenges Foundation organise un concours doté de 5 millions de dollars afin de renforcer, compléter, réviser, la gestion actuelle des « risques globaux » par les Nations Unies, faire émerger de nouvelles formes de gouvernances, générer des prises de décisions collectivement contraignantes, durables, prenant en compte tous les individus et notamment ceux à venir.
Vincent Guérin est docteur en histoire contemporaine. Spécialisé dans les mutations technologiques (www.mutationstechnologiques.fr), il a récemment publié « Anticiper le crime aux États-Unis. Des méthodes actuarielles à l’usage du Big data » dans la revue Études digitales.
2 László Szombatfalvy est l’auteur de The greatest challenges of our time, 2010 (livre gratuit).