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Sommes-nous à vingt années des bébés personnalisés ?

Que se passerait-il si les parents en devenir avaient la possibilité de choisir à l’avance la combinaison de gènes que leur enfant hériterait ? La question est sortie du cadre de la science-fiction selon Hank Greely, professeur de droit à l’Université de Stanford.

La science et la technologie sous-jacente  progressent rapidement, il est maintenant temps d’examiner attentivement  « quels changements légaux seraient nécessaires pour essayer de maximiser les avantages et minimiser les dommages de cette nouvelle approche reproductrice », dit-il.

Greely a exploré les implications juridiques, éthiques, et sociétales des biotechnologies émergentes dans un nouveau livre : « The end of sex and the future of human reproduction » (Harvard University Press, 2016), qui envisage un monde où la procréation ne commence plus dans la chambre à coucher, mais plutôt dans une boîte de Pétri d’une clinique médicale.

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Sélectionner un embryon

Dans le livre, Greely raconte le scénario suivant : Un couple voulant un enfant, créerait cent embryons et recevrait un dossier sur l’ADN de chacun. Cela révélerait la présence de gènes favorisant l’apparition de graves maladies mortelles, ainsi que des marqueurs qui confèrent un risque accru de conditions  moins graves.

Mais cela pourrait aussi inclure des gènes pour des traits physiques, comme la couleur des yeux ou des cheveux, la taille et le type de corps. Mais également des marqueurs pour les traits comportementaux tels qu’une inclination pour le sport ou la musique. Les futurs parents sélectionneraient alors les embryons à implanter, sur la base des caractéristiques espérées.

« Actuellement, la technologie telle qu’elle est envisagée dans le livre, ne sera disponible que d’ici une vingtaine d’années » déclare Greely.  « Mais des parties de celle-ci sont disponibles aujourd’hui ».

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) – qui consiste à l’extraction d’une seule cellule d’un embryon créé in vitro (FIV), et le dépistage de gènes malades ou des chromosomes anormaux –  est présent depuis 25 ans.

Cependant, parce qu’il nécessite la collecte d’œufs pour la fécondation in vitro (FIV) (ce qui est très coûteux), Greely prévoit que la plupart des couples ne considéreraient pas la DPI s’ils pourraient concevoir un enfant en bonne santé par la bonne vieille méthode.

Mais tôt ou tard, les scientifiques réussiront à faire des ovules humains viables et du sperme à partir de cellules souches pluripotentes induites (CSPi) provenant de la peau ou d’autres cellules somatiques, dit Greely.

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« Et ce sera l’avancée qui déclenchera un intérêt généralisé pour ce que j’appelle « DPI facile ». Cela ouvrira le chemin à un certain nombre de nouvelles possibilités en matière de reproduction. Les personnes infertiles pourront avoir leurs propres enfants génétiques. Ainsi que les couples de même sexe, puisqu’il pourrait bien être possible de faire des œufs à partir de cellules de peau d’un homme, ou des spermatozoïdes à partir d’une femme.

Cela permettra d’éliminer également la pression de l’horloge biologique – au moins en termes de conception – permettant ainsi aux femmes à repousser la formation d’une famille.

Mais la possibilité de faire des gamètes à partir de cellules de peau pourrait avoir des conséquences indésirables. Par exemple, quelqu’un pourrait prendre une tasse de café jetable que vous auriez négligemment jeté dans la poubelle,  et faire de vous un parent sans que vous soyez consentant ou n’en ayez connaissance.

« Nous aurons probablement besoin de nouvelles lois pour faire face à cela ;  la parentalité non-consentante semble être une mauvaise idée », dit Greely.

Poursuivre les cliniques ?

Une possibilité qu’il envisage serait d’exiger des documents sur la provenance de toutes les cellules utilisées pour produire des ovules ou des spermatozoïdes. « Je pense qu’il y a beaucoup de questions complexes, et pour certaines d’entre elles, il n’y a pas de livres de droit particulier où se référer. »

Par exemple, que se passerait-il si des parents choisissent un embryon pour qu’il devienne le prochain Andrew Luck, ancien quarterback de Stanford, mais qu’à la place, il devenait poète ?

« Je pense que, universellement, les parents sont déjà un peu surpris par la destinée de leurs enfants. Mais si vous pensez que vous avez effectivement sélectionné leurs gènes, est-ce que vous serez plus dépités ? Est-ce que cela vous fera poursuivre en justice la clinique ? »

L’équité est une question centrale, dit Greely. Que faire si certaines personnes ont accès à la technologie et d’autres non ? Il prédit que dans les pays riches, le processus de fabrication d’enfant sera subventionné  jusqu’à la gratuité.

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« En partie, cela arrivera parce qu’il permettra d’économiser beaucoup d’argent au système de santé. Vous n’êtes pas obligé de prévenir les naissances d’un grand nombre de bébés gravement malades, pour payer des centaines ou des milliers de tentatives de faire des bébés grâce au DPI facile. »

Mais même ainsi, il y aura certainement des disparités internationales, voire nationales.

Greely soulève également des questions difficiles en ce qui concerne les personnes handicapées.

« Si vous êtes atteint d’une maladie génétique, cela signifie que beaucoup moins d’individus vont naître avec votre maladie, et bien, dans un sens, c’est une bonne chose, mais d’un autre côté, cela réduit l’intérêt de la recherche pour votre pathologie, le soutien social,  et la société sera susceptible de vous pointer du doigt en pensant que vous n’auriez pas dû être né », dit-il.

Citant les exemples de la surdité et du nanisme héréditaire, il note que les parents pourraient vouloir un enfant comme eux.

« Si un parent rendait sourd son enfant, nous enlèverions certainement le bébé et nous poursuivrions le parent. Si les parents choisissent un embryon pour qu’il soit sourd, comme eux, afin de préserver la culture des sourds d’un génocide, que doit-on faire ? »

Greely espère provoquer et susciter de larges discussions sur les politiques à mettre en place concernant ces questions.

« Je pense que quelque chose qui change la façon dont nous concevons les bébés affecte tout le monde dans ces méthodes de base, que ce n’est pas un sujet qui devrait être laissé aux seuls professeurs de droit et juristes, obstétriciens-gynécologues, ou aux bioéthiciens et cliniques de fertilité. »

Traduction Benjamin Prissé

Posted by Clifton B. Parker, Deputy Director, Social Science Communications, Stanford University – cbparker@stanford.edu

Stanford University, Futurity

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