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Positions transhumanistes sur la modification du patrimoine génétique humain

Au début de ce mois de mars, un article du  journal The independant rapportait qu’une équipe dirigée par George Church, généticien à Harvard, avait pour la première fois entamé des recherches en thérapie génique portant sur des cellules ovariennes, des gamètes, de la lignée germinale donc, celles qui génération après génération sont porteuses de notre patrimoine héréditaire.

Bien que les objectifs déclarés de l’équipe aient clairement relevé de la recherche fondamentale, les potentiels de la méthode CRISPR utilisée – l’éventualité de “bébés à la carte” – ont provoqué, surtout outre Atlantique, des réactions d’une partie de la communauté scientifique mais aussi des milieux les plus conservateurs, allant de la demande de moratoire jusqu’à celle d’une interdiction complète de telles recherches.

De leur côté, les transhumanistes invitent à aborder ces questions en se détachant de toute considération moralisante voire religieuse. Ce qui doit être préservé, c’est la sécurité sanitaire à long terme des pratiques envisagées et la liberté de la recherche scientifique.

En réponse aux appels prohibitionnistes, l’IEET, par un texte de James Hughes, a rappelé la position d’ouverture de la WTA/Humanity+ : “Transhumanist Position on Human Germline Genetic Modification”.

Sans s’aligner forcément sur toutes ces positions, l’AFT-Technoprog a souhaité mettre à disposition une traduction en français de ces textes afin de faciliter leur compréhension et le débat.


Récemment, un groupe de scientifiques et un groupe industriel ont publié une déclaration appelant à un moratoire sur la modification du patrimoine génétique humain ou de sa lignée germinale (voire iciici, et ), maintenant que nous avons la puissance technique CRISPR pour y parvenir. Ces déclarations ont été vivement saluées par les bioconservateurs, qui souhaitent une interdiction mondiale des thérapies d’amélioration du patrimoine génétique humain. Bien sûr, les transhumanistes réfléchissent à ce sujet depuis longtemps, et la World Transhumanist Association (rebaptisée depuis “Humanity+”) a adopté une position formelle sur la modification du patrimoine génétique humain il y a dix ans.

La déclaration de la WTA/H+ considère les thérapies géniques comme souhaitables et inévitables, tout en sollicitant des fonds publics de recherche et un processus de régulation pour garantir leur sûreté. Alors que le groupe ayant publié une déclaration dans le journal Science a plaidé pour un moratoire sur l’application de ces technologies en attendant qu’elles soient sûres, le groupe industriel Alliance for Regenerative Medicine est allé plus loin en demandant une interdiction de toute recherche visant à démontrer que ces techniques sont sûres. Comme le suggère la déclaration ci-dessous, la position transhumaniste (et technoprogressiste) est que toute tentative d’interdire la recherche menant à de telles thérapies, ou l’usage de ces thérapies une fois leur sûreté et leur efficacité démontrée, serait une violation des droits à la liberté procréative et à l’autonomie corporelle.

(James Hughes, 20 mars 2015)

WTA/Humanity+

Position sur la Modification du Patrimoine Génétique Humain

Adoptée à l’unanimité par l’équipe dirigeante de la WTA, le 24 Décembre 2004*

Il y a un besoin urgent de nouvelles mesures politiques pour réguler la recherche sur les thérapies géniques héréditaires et leur application. Les thérapies géniques héréditaires vont amener la société à de nouvelles formes de diversité et de changement, et nécessitent une nouvelle réflexion sur la régulation des risques et les droits de l’homme. Cela afin d’éviter, d’une part, la prolifération de thérapies dangereuses et non-testées, et d’autre part, des interdictions abusives limitant les droits reproductifs.

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En raison de la sombre histoire de l’eugénisme totalitaire du siècle passé, les états doivent fournir un nombre conséquent de preuves avant de légiférer sur l’autonomie corporelle et les droits reproductifs des parents. La principale base de telles interférences est l’obligation sociale de garantir que le risque de ces nouvelles technologies reste raisonnable, et est suffisamment bien connu pour que les parents puissent faire des choix éclairés.

Il est dans l’obligation de chaque parent, ainsi que de la société dans son ensemble, de garantir que la génération suivante sera en bonne santé, en pleine possession de ses moyens, et pourvue d’une bonne espérance de vie. Si l’on est engagé en faveur de la liberté procréative, la meilleure façon de garantir que les enfants tireront un bénéfice des thérapies géniques est de fournir aux parents toutes les informations nécessaires sur leurs risques et sur leurs avantages, et de garantir un accès équitable à ces technologies, afin qu’elles puissent donner aux enfants le meilleur départ possible dans la vie.

Les lois existantes, les procédures de contrôle et les instances qui garantissent la sûreté et l’efficacité des médicaments doivent être développées, lorsque cela deviendra nécessaire, pour prendre en compte les thérapies géniques héréditaires. Aux États-Unis, nous défendons la position de la Food and Drug Administration selon laquelle ils sont habilités à réguler la sûreté des thérapies géniques et des nouvelles technologies reproductives telles que le clonage. Une instance supplémentaire n’est pas nécessaire.

Nous n’avons pas davantage besoin d’une loi pour déterminer quelles thérapies géniques sont acceptables ou non, en se basant sur la distinction entre “thérapie” et “augmentation”, ou sur des spéculations quant aux impacts sociaux à long terme. La seule base acceptable pour la régulation des thérapies géniques est le classique rapport risque/bénéfice pour les sujets et leurs enfants.

Nous pensons que le Conseil européen doit amender sa “convention pour la protection des droits et de la dignité de l’homme” pour reconnaître la légitimité des thérapies géniques et de l’augmentation dans le cadre des droits reproductifs individuels. Nous pensons également que des traités internationaux pour interdire la modification des gènes héréditaires et l’amélioration génétique violeraient les droits de l’homme, priveraient des gens de leurs bénéfices, et rendraient leur sûreté impossible à réguler.

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Les standards de sûreté pour les thérapies géniques héréditaires ne devraient pas être plus élevés que ceux de la reproduction classique. Les effets sur plusieurs générations pourraient faire l’objet de tests animaliers, mais les essais humains ne devraient pas avoir à démontrer de faible risque de tératogenèse au-delà de la première génération.

Les modifications génétiques que les adultes font sur leur propre matériel génétique, aussi bien somatique que germinal, devraient être approuvés sur la base de leur sûreté pour le sujet adulte, avec la connaissance de risque appropriée quant à la tératogenèse si ce matériel génétique est passé aux enfants. Il ne devrait pas y avoir de pénalités pour les adultes qui modifient leurs cellules reproductives en toute connaissance de cause, ou pour les instances médicales les ayant correctement informé des risques/bénéfices, même si cet usage n’est pas approuvé comme thérapie pour la modification du sperme, des ovaires et des embryons ex vivo.

Il devrait y avoir des financements publics de recherche sur les thérapies géniques héréditaires, tant sur les humains que sur les animaux. Aux États-Unis, les National Institutes of Health devraient annuler leur interdiction sur les financements de recherche en thérapies géniques héréditaires. Les règles de financement ne devraient pas distinguer les thérapies somatiques et héréditaires, ou la “thérapie” et l’”augmentation”, mais devraient être basées sur la faisabilité, la sûreté et les bénéfices potentiels. Il devrait y avoir un financement national pour les études prospectives de long terme sur la sûreté et l’impact sur la santé des thérapies géniques héréditaires. Mais il ne devrait pas y avoir d’enregistrement obligatoire des sujets de ces thérapies.

Finalement, considérant le potentiel des thérapies géniques à exacerber les inégalités, nous pensons que des thérapies géniques sûres et bénéfiques devraient être rendues aussi universellement accessibles que possible. La priorité devrait être de rendre universellement accessible les thérapies géniques intrinsèquement bénéfiques [1, 2] – notamment pour la santé, la longévité et l’intelligence – par opposition aux choix germinaux et aux thérapies géniques qui n’ont pas de bénéfices intrinsèques, comme la hauteur ou le genre.

Quelle est la différence entre le génie génétique et l’eugénisme ?

1 Bostrom, Nick. 2003. “Human Genetic Enhancements: A Transhumanist Perspective,” Journal of Value Inquiry, Vol. 37, No. 4, pp. 493-506.
http://www.nickbostrom.com/ethics/genetic.pdf

2 Bostrom, Nick. 2003. “A Transhumanist Perspective on Human Genetic Enhancements.”
http://www.nickbostrom.com/ethics/genetic.html

* On the WTA website it says 2005, but it was actually 2004.

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